ÉVOCATION HISTORIQUE
Présentation :
A partir d’une évocation historique des « causeries du lundi » de Sainte-Beuve, rédigée par l’abbé Carlos Speybroeck, curé de Précy, un conseiller municipal de Précy, Jean-Eric Bajolle a voulu organiser avec son fils Emmanuel un Festival des Romantiques.
Après moult emprunts et remaniements, il a rédigé une pièce de théatre intitulée « les causeries de Précy ».
Pièce écrite le 5 août 2004 en vue d’une évocation historique, aux journées du Patrimoine, pour le bicentenaire de George Sand et Sainte-Beuve.
Lieu : A la tombée de la nuit, au pied du petit portail Renaissance de l’église de Précy.
– Prévoir des chaises dans la pelouse devant l’église.
– Prévoir aussi de la musique de Frédéric Chopin au début et à la fin.
Le veilleur de nuit de la commune, revêtu de sa grande cape noire et de son chapeau, un bâton à la main gauche et une lanterne allumée dans la main droite, accueille les gens. |
Veilleur :
– Bonsoir, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Venez, venez, approchez, vous tous qui vous intéressez à votre patrimoine local, que je vous raconte ce qui s’est passé en la belle demeure historique du Clos, derrière notre église, là où on a apposé une plaque commémorative où l’on peut lire que l’écrivain Sainte-Beuve a écrit les Contes du Lundi et où Madame Pellegrin, la propriétaire a reçu George Sand et Alfred de Musset. Ce dernier y a composé sa » Ballade à la lune « . Les anciens d’aujourd’hui se souviennent sans doute qu’on y a tourné le film » Patte de Velours » avec Arditi, Bernadette Lafont et Michel Bouquet. Ce jour-là, on y a volé une commode estampillée qui avait appartenu à Madame de Pompadour, la maîtresse de Louis XV, ainsi qu’une magnifique paire de flambeaux en argent massif du célèbre orfèvre-ciseleur parisien Hugo. La propriétaire était alors Madame Cavalière, une George Sand en miniature, qui élevait des poneys et gardait des chevaux de course. On la voyait parfois à cheval dans Précy ou dans les environs. Son mari était comédien à Paris. Il s’appelait Jean Lefèvre.
Pendant les vacances d’été, ils organisaient une réception au Clos et dans le grand salon aux singeries, ils jouaient une pièce de théâtre. Ils y invitaient quelques amis, des voisins et des notables de Précy. Une année le fils aîné a joué du violon, accompagné par sa soeur au piano. C’était de la musique de Chopin : » en souvenir de l’idylle de George Sand avec Chopin » disait Madame Cavalière. Ces réceptions d’été étaient sa manière à elle de continuer à évoquer le salon littéraire du XIX° siècle avec Madame Pellegrin.
Mais que vois-je ? C’est Madame Pellegrin en personne qui vient à notre rencontre !
Madame Pellegrin, habillée en bourgeoise du XIX° siècle, arrive de par-derrière l’église, avec son parapluie et son sac à main. |
Veilleur :
– Bonsoir, Madame. Quelle surprise de vous voir ici ce soir !
Pellegrin ( Madame) :
– Oh, non, ce n’est pas une surprise. C’est une habitude. J’aime bien la brise du soir pour venir me recueillir sur la tombe de mes ancêtres et de flâner un peu autour de l’église et de son cimetière.
Veilleur :
– Tiens, je profite que vous soyez là pour vous demander si c’est vrai que l’écrivain Sainte-Beuve a sa chambre attitrée chez vous au Clos.
Pellegrin :
– Mais, bien sûr, cher Monsieur. Vous comprenez, mon gendre, Maître Gaillard, inspecteur général des Études à Paris, a eu Sainte-Beuve comme élève, au Collège Bourbon. C’est ainsi que je l’ai invité un jour pour revoir son ancien professeur. Vous connaissez sans doute la suite. Charles Sainte-Beuve est tombé amoureux de ma maison et de fil en aiguille il est venu rédiger son fameux » Port-Royal » chez moi dans la chambre mansardée donnant sur le clocher de l’église. Il travaille quinze heures par jour et ne voit pas passer le temps. Il est tellement passionné par son histoire de Port-Royal qu’il n’a pour ainsi dire de goût pour rien d’autre. A part cela nous avons quand même des goûters littéraires et des réunions avec des amis et tous ces gens de lettres qu’il fréquente en tant que Critique Littéraire.
Vous avez peut-être lu de ces articles où il critique Balzac, Flaubert ou de Vigny ?
Veilleur :
– Malheureusement, non, Madame, je ne suis pas assez instruit pour cela. Vous savez ici en campagne, l’école est surtout pour ceux qui ont les moyens. Il y a bien l’écolâtre du curé qui réunit un bon nombre d’enfants quand les parents ne les retiennent pas pour les travaux dans les champs, pour biner les betteraves, faire la moisson, ramasser les pommes de terre ou cueillir les fruits. Même l’hiver où les enfants sont plus nombreux à l’école, il y en a tout de même que les parents envoient faire des fagots de bois mort dans les bois des environs ou en forêt de Chantilly.
Pellegrin :
– C’est vrai, cher ami, mon gendre me l’a déjà répété maintes fois. Il faudrait que les députés votent une loi pour que l’école devienne obligatoire. Ce serait le meilleur moyen pour assurer de l’instruction à nos jeunes concitoyens. Mon ami Viguier, ancien inspecteur général de l’Université de Paris qui vient régulièrement chez moi, s’entretient souvent de ce sujet avec son ami Sainte-Beuve et mon gendre Maître Gaillard. Il faut espérer que leurs projets et propositions aboutiront un jour !
Veilleur :
– Puis-je vous poser une autre question qui me brûle les lèvres mais qui est peut-être de l’indiscrétion de ma part. Vous me répondrez si vous le désirez. Est-ce vrai que Monsieur de Sainte-Beuve s’est fâché avec Victor Hugo ?
Pellegrin :
– Malheureusement, oui, Monsieur. Cette rupture avec Victor Hugo est à mon avis due à cette exigence de fidélité aux droits de la Conscience qui le fascinait dans la personne de l’Abbé de Lamenais qui voulait ancrer l’Église dans la modernité mais ne rencontra qu’incompréhension auprès des grands bourgeois. Sainte-Beuve admirait sa liberté de pensée et son courage pour refuser le Concordat de 1801.Vous savez que l’épiscopat Français était alors majoritairement Gallican et finit par avoir sa peau. Quand je pense qu’un Pape l’admirait au point de vouloir le nommer Cardinal et que son successeur le condamna ! L’Histoire l’a souvent démontré : on a toujours tort d’avoir raison trop tôt !
Veilleur :
– Est-ce vrai, Madame Pellegrin, que lorsque la Cour chassait en forêt de Chantilly les nobles confiaient leurs enfants à la maison de Précy c’est-à-dire au Clos qui faisait partie du Château ?
Pellegrin :
– Oui. C’est ce que l’on prétend, tout comme on dit que Ronsard et Montaigne sont descendus au château pour rencontrer le fils naturel du roi François ler, le Seigneur Louis de Saint Gelais, dont on voit les armoiries dans la tour hexagonale du château.
Arrivée de Sainte-Beuve en redingote avec calotte-béret et canne à la main. |
Pellegrin :
– Mais, voilà mon invité ! Monsieur Sainte-Beuve ! Qu’est-ce qui vous fait quitter votre table de travail ?
Sainte-Beuve :
– Ma chère Madame, la chaleur de la journée me donne droit à une promenade à la fraîcheur du soir. Je voulais aussi vous faire part du sonnet que j’ai écrit pour votre charmante Alexandrine- Pétronille. Permettez que je vous en donne la primeur :
Pensée d’Août.
» Assis sur le versant des coteaux modérés
D’où l’œil domine l’Oise et s’étend sur les prés ;
Avant le soir, après la chaleur trop brûlante,
A cette heure d’été déjà plus tiède et lente ;
Au doux chant, mais moins nombreux des oiseaux,
Et la plaine brillante avec des places d’ombres,
Et les seuls peupliers coupant de rideaux sombres,
L’intervalle riant, les marais embellis,
Qui vont vers Gouvieux finir au bois du Lys..
Et plus loin, par-delà prairie et moisson mûre
Et tout ce gai damier de glèbe et de verdure,
Le sommet éclairé qui borne le regard
Et qu’après deux mille ans on dit CAMP de CÉSAR,
Comme si ce grand nom que toute foule adore
Jusqu’au vallon de paix devait régner encore !…
M’asseyant là, moi-même à l’âge où mon soleil,
Où le flot qui poussait s’arrête et se partage..
Dans ce frais pavillon au volet entrouvert,
Où la lune en glissant dans la lampe se perd,
Devant ce Spasimo * comme une autre lumière,
Dont la paroi du fond s’éclaire tout entière,
Près des rayons de cèdre où brillent à leur rang
Le poète d’hier aisément inspirant..
Devant ces vers du maître harmonieux et sage,
Devant ce Raphaël et sa sublime page,
Au plus fuyant rayon où s’égarait ton vol,
Dis-toi bien : tout ce beau n’est que faste et scandale
Si j’hésite, et si l’ombre à l’action s’égale
Vous dont j’ai là trahi le malheur ! Oh ! Pardon
Ami, vous n’avez rien que d’honnête et de bon,
Et de grand en motif au but qui vous oppresse,
Au fantôme, il est temps, cessez toute caresse
Rejoignez, s’il se peut, à des efforts moins hauts
Quelque prochain devoir qui tire fruit des maux,
Et d’où l’amour de tous redescende et vous gagne,
Afin que, revenant au soir parla campagne,
Sans faux éclair au front et sans leurre étranger,
Il vous soit doux de voir les blés qu’on va charger
Et chaque moissonneur sur sa gerbe complète;
Et là-haut, pour lointain l’âme satisfaite,
Au sommet du coteau dont on suit le penchant,
Les arbres détachés dans le clair du couchant. «
Ch Sainte-Beuve
composé à Précy devant la gravure de Raphaël dans la chambre mansardée du Clos
*Spasimo : La gravure d’un tableau de Raphaël qui porte ce nom.
Applaudissements par la foule. Puis la petite porte de l’église s’ouvre et le curé de la paroisse apparaît en soutane, le chapeau à la main. |
Veilleur :
– Monsieur le Curé ! Quelle surprise ! Que faisiez-vous donc à cette heure tardive en votre église ?
Le Curé :
– C’est très simple. Tous les soirs je viens prier et me recueillir un moment. Prier c’est aimer. Je prie pour mes paroissiens dont j’ai charge d’âme. Ce sont vos applaudissements qui m’ont intrigué et fait sortir. Si je comprends bien vous êtes en bonne compagnie avec Monsieur Sainte-Beuve avec qui j’ai déjà eu l’occasion de m’entretenir longuement, n’est-ce pas Monsieur Sainte-Beuve ?
Sainte-Beuve :
– Exact, Monsieur le Curé, et il m’est toujours un honneur de profiter de votre érudition. A propos, l’autre jour, vous me disiez que l’écu, placé là-haut sur la façade, – (indiquer l’écu avec le doigt pointé dans sa direction) – rappelle que les Anglais avaient mis le feu à l’église à l’époque de la guerre de Cent Ans et que Louis de Saint Gelais, fils naturel du roi François ler, a fait reconstruire une partie de l’église au XVI° siècle. Ce qui explique donc l’écu de Louis de Saint Gelais.
Mais comment se fait-il qu’il y ait là une colonne du XIIIe siècle qui se balade toute seule sur la façade ?
Le Curé :
– C’est que l’église était autrefois très importante. Elle avait cinq nefs. Louis de Saint Gelais n’a fait reconstruire que la nef principale et les deux nefs latérales, mais du temps que l’église avait le titre de Collégiale, elle était beaucoup plus spacieuse, puisque le choeur abritait le monument funéraire du Seigneur Philippe de Précy, représenté grandeur nature en Chevalier Croisé gisant, arborant son écu et son épée. Tout autour il y avait des stalles pour que le Collège des Chanoines puisse y prendre place pour chanter l’office.
Sainte-Beuve :
– Si je comprends bien, il n’y a pas que le vandalisme révolutionnaire qui a abîmé l’église, elle avait déjà été amputée pendant les guerres de religion.
Le Curé :
– Bien sûr, bien sûr, il suffit de lever les yeux et vous apercevrez tout de suite que les deux premières fenêtres du haut sont différentes des autres. C’est celles du choeur qui n’avaient pas été touchées par l’incendie. Heureusement encore, car ainsi nous avons pu garder la belle rosace qui est la seule rose gothique à onze lobes, connue au monde.
Sainte-Beuve :
– Est-ce que vous espérez obtenir la restauration de votre église ? Car dans l’état où je la vois avec son clocher amputé du haut, elle risque de s’abîmer encore davantage.
Le Curé :
– On est en pourparler avec Monsieur Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, qui a des projets de restauration avec l’architecte Viollet le Duc qui a soumis un dossier comprenant entre autres un petit portail Renaissance et la restauration ou plutôt une nouvelle grande porte avec des serviettes sculptées. Cela m’a tout l’air d’être en bonne voie de réalisation. Le château lui aussi bénéficierait d’une restauration avec un remaniement et des arrangements comme Viollet le Duc a l’habitude de faire.
On entend le bruit d’un attelage-carrosse qui amène par-derrière l’église George Sand et Alfred de Musset. Le carrosse s’arrête pour stationner au coin du petit sentier menant à l’église sur la façade nord. George Sand descend, le cocher lui prend la main. Alfred de Musset emboîte le pas. Ils viennent à la rencontre de Madame Pellegrin et ses interlocuteurs au pied de l’église. (Salutations, embrassades et baisemain.) |
Pellegrin (Madame) :
– Quel bonheur de vous voir chère amie. Je n’espérais plus votre visite vu l’heure tardive, surtout que vous m’aviez dit que vous n’étiez pas sûre de pouvoir arriver ce soir, que ce serait plutôt demain matin. Alors je me suis dit, je fais ma petite promenade ce qui explique ma présence ici.
George Sand :
– Oui, chère amie, nous sommes allés jusqu’au Clos et on nous a dit que vous étiez partie faire une petite promenade au cimetière. Je me suis permis d’emmener avec moi Monsieur de Musset qui ne vous est pas inconnu puisqu’il a déjà été reçu chez vous. Il vous apporte d’ailleurs une surprise.
Pellegrin :
– Bien sûr que je connais Monsieur de Musset. Monsieur de Sainte-Beuve, qu’on prétend être votre » confesseur » selon vos propres dires, doit être ravi de vous revoir en bonne compagnie. Et quelle est cette surprise que vous m’apportez Monsieur de Musset ? Vous piquez ma curiosité !
A.de Musset : (qui enlève son chapeau haut-de-forme)
– Eh bien, Madame, ce n’est rien d’autre qu’un poème intitulé » Ballade à la lune « . Je l’ai composé chez vous dans la chambre mansardée, un soir de pleine lune, où je voyais la lune comme un point sur uni sur le clocher de Précy. J’étais assis devant le petit secrétaire au-dessus duquel figure la belle gravure de Raphaël. Si vous voulez, je vous le lis!
Pellegrin :
– Volontiers ! Volontiers ! on vous écoute.
Alfred de Musset sort la feuille de son cartable et lit « La Ballade à la lune ». A la fin du poème: applaudissements. |
Pellegrin :
– Venez chers amis je vous invite à boire le verre de l’amitié
Puis Madame Pellegrin prie alors ses invités de l’accompagner derrière l’église pour un verre de l’amitié où l’on peut évoquer d’autres souvenirs du Clos comme le séjour des Pastor avec le statuaire » Maillol » qu’il avait réalisé dans le parc du Clos, ou la visite de Jean Marais, compagnon de Cocteau, avec des artistes potiers, ou le départ tragique et mouvementé de Madame Chambord et tant d’autres souvenirs pittoresques liés à la demeure historique du Clos.
Deux tableaux restent à insérer dans « Les Causeries de Précy » :
Tableau n°1 : La dentellière
On sonne.
Pellegrin (Madame) :
– Marie, on a sonné. Va ouvrir s’il te plaît.
(La soubrette va ouvrir et revient.)
La soubrette :
– C’est la dentellière, Madame, elle vous apporte le travail que vous lui avez commandé.
Pellegrin (Madame) :
– Qu’elle entre. Faites entrer Marie
La dentellière entre.
Pellegrin (Madame) :
– Quelle bonne nouvelle Madame Bachevilliers ! Auriez-vous déjà fini la mantille, le col châle et les mouchoirs que je vous ai commandés ?
Honorine Bachevilliers (Madame) :
– Pas exactement, Madame, mais je voulais vous montrer un des mouchoirs que j’ai fini pour bien m’assurer que c’est ce genre de travail que vous désirez pour le reste.
Pellegrin (Madame) :
– Montrez-moi cela, ma chère Honorine.
Honorine Bachevilliers sort la dentelle de son panier et la montre à madame Pellegrin. George Sand qui se trouve à côté, s’exclame toute étonnée :
George Sand :
– Quelle merveille ! Quel beau travail ! J’ignorais que vous aviez une dentellière si qualifiée à Précy ! Vous en avez de la chance. Dans ma région cela n’existe pas. Il faut aller à Paris ou en Normandie à Alençon ou ses environs pour trouver quelque chose du même genre.
Pellegrin (Madame) :
– Nous n’avons pas qu’une, mais huit dentellières à Précy. Elles travaillent à domicile pour la Maison Moreau de Chantilly, qui est connue pour ses dentelles noires. Chaque semaine un commis de la Maison Moreau fait la collecte des dentelles auprès des multiples dentellières de la région de Chantilly. Cela ne les empêche pas pour autant d’avoir une clientèle personnelle parmi les notables et bourgeois de Précy.
Tableau n°1 : Le berger
On entend au loin les clochettes et la corne d’un berger avec son troupeau de moutons.
Il fait halte à l’entrée du parc, s’annonce et avance vers Marie, la soubrette qui vient à sa rencontre avec un pot à lait et sa corbeille au bras.
Le berger demande à la soubrette :
– Avec quoi puis-je faire plaisir à Madame, aujourd’hui ? Je me permets de vous recommander mes petits fromages de chèvres. Ils sont tout frais.
Marie :
– Madame voudrait une douzaine d’œufs, deux litres de lait et quatre petits fromages, s’il vous plaît.
Le berger :
– A la bonne heure ! Voici les fromages.
Il les dépose dans le panier de Marie, puis il compte une douzaine d’œufs qu’il dépose soigneusement avec du foin dans le panier, et après, il prend sa grande cruche et verse avec une pinte, le lait dans le pot à lait de la soubrette.
Et voilà, ma belle, Madame est servie.
Marie :
– Madame me prie de vous dire qu’elle vous règlera la prochaine fois car elle est fort occupée avec ses invités.
Le berger :
– Bien sûr ! Bien sûr ! Comme Madame voudra. On ne refuse rien à une si bonne cliente qui me paie toujours avec des pièces d’argent à l’ancien coin, à l’effigie de Louis XVI.
Sainte-Beuve :
– Les gens de la province ne se rendent pas compte du bonheur qu’ils ont d’avoir une vie champêtre si merveilleuse avec ses avantages de produits frais. Nous, à Paris, nous ne trouvons tout cela que sur le marché des Halles ou chez certains commerçants. Cela manque de poésie et surtout de fraîcheur.
Pellegrin (Madame) :
– Oui, je comprends. Moi-même, j’apprécie beaucoup cette vie champêtre à Précy. Je pense en particulier à certaines scènes comme le soir quand au coucher du soleil, nos bergers rentrent au bercail avec leurs moutons et leurs agneaux bêlants à travers les rues de Précy. Ils sont bien huit cents, si ce n’est pas plus. Il y a trois bergers qui regroupent les brebis des uns et des autres et les mènent aux pâturages et le long des chemins vers Gouvieux, Boran ou Neuilly. C’est plein de rêve !