Le pavé, prétendument inventé par les Carthaginois semble avoir débarqué en France à la fin du douzième siècle.
On raconte qu’un beau matin de 1184, le roi de France, Philippe-Auguste, incommodé par l’odeur pestilentielle qui montait jusqu’aux fenêtres de son palais de la Cité, convoqua sur le champ le prévôt de Paris et lui donna ordre de débarrasser les rues de cette boue nauséabonde.
L’historiographe du roi raconte que l’on eut recours à des pierres » dures et fortes « . Le grès, plus facile à tailler, ne devait apparaître que plus tard, comme son homologue en granit. Depuis ce jour-là, un peu partout fleurissant, au fil du temps sa famille grandissant, le pavé se nomme : » Mosaïque » (8 x 10 cm), » Échantillon » (14 x 10 cm), P.P.C. » Passage de porte cochère » (16 x 16 cm), » Roi ou Napoléon » (20 x 30 cm), ou tout simplement de » Bois » puisque certaines rues étaient pavées de carrés de bois.
Le » petit pavé » avec sa gamme de couleurs : bleu, gris, blanc, rouge et vert donnait au pied des édifices une note de poésie à la manière des vieilles toitures en tuiles aux tons variés. La tradition poétique pourtant séculaire devait se ternir avec les révolutions.
Victor Hugo écrivit un jour que le pavé est « la dernière raison des peuples « .
Le pavé est de toutes les révolutions : celle de 1789, celles de 1848 et de 1871, sans oublier les barricades de Mai 1968. Porteur de l’enthousiasme de beaucoup de générations, le pavé subversif, fut alors remplacé par le macadam. Il n’y a guère que le tour cycliste annuel du Paris-Roubaix qui assure encore les titres de noblesse du pavé. L’expérience devait démontrer que l’hiver, le goudron gelé accroche à la pierre et que l’été, il fond, tache et s’incruste dans le granit.
Aujourd’hui, voyant les inconvénients et la laideur du macadam, la rue se pave de bonnes intentions. La mode est aux rues piétonnières et la politique de rénovation des centres ville exige d’incontournables obligations.
Michel BRODOVITCH, architecte des bâtiments de France et conseiller technique sur les quartiers anciens au ministère de l’environnement s’inquiète de la disparition de certaines surfaces pavées qui donnaient un cachet incomparable aux monuments historiques et aux sites classés.
Il déclare : » pour les tuiles et les ardoises, on tâche de préserver l’identité d’un lieu, ce qui n’est pas le cas pour les pavés. Il faut y remédier « .
Veiller sur un site protégé, comme celui de Précy, suppose une vigilance de chaque instant aussi bien sur le plan de la conservation et de la restauration que sur celui de l’environnement et de l’aménagement. Il y va de la qualité de la vie et du respect d’un patrimoine que nous avons à transmettre aux générations futures.
Le pavé usagé redevenu à la mode est l’objet d’un obscur désir…
Inusable et réutilisable, patiné par le temps, poli par l’histoire, on le préfère largement à son homologue flamblant neuf, lisse et coupé, apparu dans les années 70. Ce pavé » béton « , surnommé » Canada Dry » est certes moins cher, mais résiste mal à l’usure et souffre d’une fâcheuse tendance à se délaver. Huons-le et bannissons-le de nos cités ! De même pour les bordures de trottoirs, où les grès ont souvent été remplacés par d’innombrables agglomérés prétendus plus solides mais qui s’effritent et sont surtout laids et uniformes.
Aujourd’hui, on redécouvre la poésie et la solidité du pavé non pas noyé dans le ciment, mais scellé et posé sur du sable dans un alignement sans vide.
Les aménagements et décorations s’inspirent des classiques d’autrefois ; le plus célèbre reste l‘étoile aux pointes dirigées vers les grandes avenues sous le regard reconnaissant de l’Arc de Triomphe à Paris.
A beaucoup d’endroits, on voit la pose perpendiculaire en croix de chevalier. Elle est surtout utilisée aux carrefours pour donner une idée de continuité.
Il y a aussi la fameuse queue de paon où les pavés sont placés en éventail épanoui du bas de la chaussée vers le haut. D’autres créations modernes ou les grès et les pavés de différents tons se mélangent pour former des mosaïques de fleurs ou d’arabesques, sont les compagnons de rêve pour une vieille rue, une église, un château, un beffroi, une vieille demeure.
Les grès et les pavés flirtent de nouveau avec leur environnement comme des amoureux repentis, trop longtemps délaissés, prêts à se faire pardonner.
Notes :
Mosaïque : Encore nommé » petit pavé « . Il doit son nom à sa variété de couleurs, gris, blanc, rouge, bleuâtre et verdâtre. Sa petite dimension, 8 à 10 cm de côté, en fit son succès. En 1968 il couvrait encore 40 % de la chaussée Parisienne.
Échantillon : 14 x 10 cm. Les professionnels le surnomment » le 14 « . Il dispose également d’une gamme de couleurs assez étendue. Aujourd’hui on le scie souvent en deux et on dispose la partie plus plane vers le ciel. Une façon de joindre l’économique au confortable tout en ménageant l’aspect rustique.
P.P.C.: Nom de code pour » passage de porte cochère « . En clair, il compose sur les trottoirs ce que nous appelons » bateaux « . Il est disposé en croisillon. Il mesure 16 x 16 cm et est en voie de disparition.
Le Roi : Passé à la moulinette de la révolution, il s’appelle Napoléon. Sa grande taille, 20 x 30 cm, fait aujourd’hui sa rareté mais c’est celui que les connaisseurs préfèrent.
Bois : De 1865 à 1938, ce pavé séduisit autant le nouveau monde que le vieux continent. En France, il fit ses premiers pas rue Madame à Paris. Il avait l’avantage d’être peu bruyant mais la mauvaise odeur qu’il dégageait a signifié son abandon progressif depuis 1914.
Béton : Ce pavé surnommé le « Canada Dry » apparu vers 1970 est le moins cher, et résiste mal à l’usure et souffre d’une fâcheuse tendance à se délaver.