Le Serment
Le 27 novembre 1790, parut un décret « qui obligeait les évêques et curés à prêter dans la huitaine, le serment à la constitution civile faute de quoi les récalcitrants seraient censés avoir donné leur démission s’ils continuaient à s’immiscer dans leurs anciennes fonctions, ils seraient poursuivis comme perturbateurs de l’ordre public ».
Les bailliages fixaient la date de la prestation de serment de fidélité à la Constitution Civile. Des études récentes démontrent qu’on pouvait prêter serment avec restriction ou modification ou en ajoutant des précisions. On voit ainsi des curés qui jurent « fidélité et attachement à la République, à la Constitution, au Pape et à l’Eglise ». D’autres « d’être fidèle à la nation, à la loi et à la constitution pourvu qu’elles ne portent aucune atteinte à la foi à l’Eglise et à sa hiérarchie ».
Certains prêtres prononceront le serment tout en déclarant « l’incompétence du pouvoir temporel dans le domaine spirituel ». En certaines communes, les municipalités ont refusé de mentionner les restrictions dans le procès verbal.
Le 27 février 1791, le Directoire du Département écrit au district de Senlis :
« nous avons cru devoir user d’indulgence en demandant la radiation de certaines expressions qui représentent des restrictions ou modifications. En conséquence, si messieurs les curés consentaient à la radiation de ces expressions…. ces serments devenant constitutionnels, il serait inutile de nous les faire repasser…. » (J. Leflon). N’oublions surtout pas qu’aussitôt la condamnation du serment par le Pape, beaucoup de prêtres se rétractèrent. Le souci qui animait les prêtres jureurs était de rester à leur poste et de ne pas abandonner leurs fidèles. Cela n’exclut pas pour certains la crainte d’être démissionné, d’avoir à quitter sa cure, ses habitudes….
Nous pouvons donc conclure qu’il n’y a aucune contradiction entre les différents extraits d’archives que nous publions au sujet de l’Abbé Delaunoy curé de Précy.
Le 21 janvier 1791, l’abbé Delaunoy écrit au greffier de la municipalité de Précy :
« J’ai l’ honneur de vous prévenir qu’en vertu du décret du 12 et 24 juillet et 27 septembre de l’année dernière, je me propose de prêter le serment exigé des Ecclésiastiques fonctionnaires publics, et ce dans l’Eglise, à l’issue de la Messe de la Paroisse, en présence du Conseil Général de la Commune et de ses fidèles. Je vous en prie pour en donner avis à messieurs les officiers municipaux de cette paroisse et faire part à Monsieur le Maire que j’aurai l’ honneur de le voir et de commencer avec lui de cette affaire grave.
Ce jour, ne le pouvant faire Dimanche prochain étant obligé en qualité d’Electeur et de me rendre à Senlis ce jour là à huit heures très précises. J’ai l’honneur d’être très cordialement, Monsieur, votre frère et concitoyen. »
Signé, Delaunoy. Curé de Précy.
« L’An mil sept cent quatre vingt onze, le Dimanche trente janvier, à l’ issue de la messe paroissiale de Précy-sur-Oise et en l’Eglise dudit lieu, en la présence du Corps Municipal, est comparu M. Louis Florent Delaunoy, curé dudit Précy, lequel a dit qu’ en exécution et pour satisfaire à la loi relative aux serments à prêter par les ecclésiastiques fonctionnaires publics, donnée à Paris le vingt sept décembre dernier, auquel il était assujetti par l’article 39, du décret du 13 juillet précédent… articles 21 et 38 et celui du douze du même mois, concernant la Constitution Civile du Clergé, il a ce jourd’hui dans l’Eglise dudit Précy, à l’issue de la Messe de Paroisse, en présence du Corps Municipal et du Conseil Général de la Commune et de ses fidèles, fait le serment ordonné par lequel il a juré de veiller avec soin sur les fidèles et la paroisse qui lui a été conférée, d’être fidèle à la Nation, à la loi et au Roi et de maintenir en tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roi ;
Requérant qu’ il lui en fut donné acte et il a signé. »
Delaunoy, Curé de Précy
Ces extraits du Registre des Délibérations du Conseil Municipal (1790-1793, pages 12 et 13), comparés avec ce que disent les Registres Paroissiaux au sujet du même serment, prouvent dans quel désarroi pouvaient être les prêtres. Le curé de Précy a donc prêté serment à la Constitution Civile, bien qu’il ait proclamé auparavant qu’il y était hostile.
Il se rétractera par la suite ce qui explique sans doute les événements que nous avons évoqués.
Ephémérides pendant la Révolution à Précy-sur-Oise
Les événements rapportés se situent tous pendant la période qui court de 1789 à 1793. Les faits eux-mêmes étant plus importants que les dates précises, nous ne les avons pas toujours présentés selon l’ordre chronologique mais parfois pêle-mêle selon l’intérêt des sujets ou passages sélectionnés dans les archives. Leur seul lien est leur rapport avec la révolution subie à Précy.
1789 – 2 mars. Essai de replâtrage
Les délégués des paroisses du baillage de Senlis se réunirent en assemblée préliminaire le lundi 2 mars à 8 h du matin par devant Paul Deslandes président, lieutenant général civil, criminel et de police, commissaire enquêteur examinateur et commissaire aux scellés et inventaires dudit baillage, assisté du procureur du Roi et de Lefebvre, greffier faisant les fonctions de secrétaire. Après la lecture des lettres du Roi, du réglement y annexé et de l’ordonnance du bailli de Senlis datée du 12 février, on procède à l’appel des députés. Comparurent pour les villes de Blaincourt près Précy-sur-Oise (composée de 137 feux) Jacques Couvreur et Claude Eloy…
En ce qui concerne la commune de Précy ; « Pour le baillage de Beaumont, il n’a été trouvé ni procès-verbaux, ni voeux, ni doléances ». (Précy relevait du Baillage de Beaumont-sur-Oise).
11 mars 1789. Assemblée des trois ordres à Senlis
Le Clergé, la Noblesse et le Tiers Etat étaient convoqués en assemblée générale pour le 11 mars à dix heures du matin… Après de chaudes discussions sur la réduction au quart, elle fut reprise à cinq heures du soir en l’église des Capucins par devant Gaston Pierre Marc, duc de Lévis, mestre de camp de cavalerie, seigneur d’Ennery et Livilliers, capitaine des gardes de Monsieur, frère du Roi, et grand bailli d’épée, assisté de Paul Deslandes, lieutenant général et de Louis Charles Marie Séguin, procureur du Roi. Le clergé occupait la droite de l’église, la noblesse la gauche, le Tiers-Etat était rangé des deux côtés auprès de la porte.
Le règlement mettant ce dernier ordre en face des deux autres mais la petitesse de l’église ne permettait pas cette disposition. Le Tiers-Etat protesta contre la place qui lui était assignée.
Après avoir requis lecture des lettres du Roi et du règlement y annexé, lecture faite immédiatement, le procureur du Roi prononça un discours fleuri dans lequel, « contemplant avec bonheur sous ces voûtes sacrées, le spectacle d’une auguste et nombreuse assemblée composée d’âmes nobles et vertueuses chez qui tout annonçait l’éminence des talents, l’amour pour son Roi, la sensibilité aux besoins et aux abus de l’Etat, le zèle pour la Patrie » il se déclara incapable de faire fumer en son honneur un encens digne d’en être forcé de se résigner au silence.
Le grand bailli prit alors la parole et dit :
« Messieurs, vous êtes appelés aujourd’hui par le Roi à remplir la plus noble et la plus auguste des fonctions de l’ordre social ; vous allez soutenir et réparer cet antique édifice de la Constitution Française qui subsiste avec gloire depuis tant de siècles et qui sans votre secours, semble prêt à s’écrouler. Par vous les droits sacrés de la liberté et de la propriété vont être reconnus et constatés ; par nous, ils seront maintenus à jamais…
Mais songez, Messieurs, que pour travailler avec succès au grand ouvrage de la félicité publique, l’union vous est plus que jamais nécessaire et que c’est d’elle que vous tirerez votre plus grande force. Songez encore que si vous voyez régner la paix et l’accord entre les différents ordres qui composent cette illustre assemblée, que si, au lieu des dissenssions funestes qui déchirent plusieurs de nos provinces, vous conservez ce bien précieux, vous le devez à la modération du troisième ordre et au juste et généreux désintéressement des deux premiers…
Votre intérêt devenant le même, vous rétablirez bien plus facilement un ordre fixe et immuable, nécessaire dans une grande monarchie ; vous reconnaîtrez et vous consoliderez la dette publique.
Les peuples ne gémiront plus sous le poids d’impôts excessifs et désastreux ; et vous Messieurs, ses dignes représentants, vous n’aurez plus, comme autrefois, à porter aux assemblées nationales vos justes et éternelles réclamations. Vous ne vous plaindrez plus que le fruit de vos travaux a été dissipé par des déprédateurs avides… Messieurs, en travaillant à assurer le bonheur de la nation, il est bien doux d’établir sur les mêmes bases celui d’un Roi que nous chérissons… Le bonheur et l’amour des peuples est la plus douce récompense des rois vertueux.
C’est à Senlis, messieurs, c’est dans cette ville toujours fidèle que le grand Henri disait , ‘Ici notre heur a pris commencement’
Puisse le Roi et la Nation Française nous rendre encore ce témoignage honorable… La première délibération que nous devrons prendre pour décider si nous opérerons la compression des cahiers en commun ou par ordre, est bien importante.
L’on prévoit que vos sentiments patriotiques auront bientôt levé les seuls obstacles qui pourraient empêcher d’adopter une rédaction faite en commun ; et ce sera alors qu’aux Etats Généraux chacun de nos députés interrogé sur son ordre, pourra faire cette belle réponse qui fut jadis faite aux Etats de 1483 : ‘nous ne sommes point de tel ou tel ordre, nous sommes Français’ ».
Ce discours terminé, le grand bailli, ordonna au greffier, secrétaire de l’assemblée de faire, sur le rôle à lui remis par le procureur du Roi, l’appel des Trois Etats du baillage provincial. Comparurent dans l’ordre du Clergé ; … l’évêque de Senlis et beaucoup d’autres parmi lesquels Pierre Colasse, prêtre chapelain de l’église de Précy-sur-Oise. Louis Florent Delaunoy, curé de Précy.
Parmi les nobles on trouve entre autres : « Anne Léon, duc de Montmorency, premier baron de France et premier baron chrétien, chef des noms et armes de sa maison, comme Seigneur de Précy-sur-Oise, Blaincourt près Précy est représenté par de Chevreuse ».
Parmi le Tiers-Etat, on voit Pierre Valérie Grehan de Précy et Claude Eloi de Blaincourt près Précy. « Le grand Bailli assigna à chacun des ordres un lieu destiné à leurs assemblées particulières ; au clergé, le palais épiscopal ; à la noblesse, l’une des salles de l’Abbaye de Saint-Vincent , au Tiers-Etat, l’Hôtel de ville et leur proposa de décider tout d’abord, chacun de leur côté, s’ils procéderaient conjointement ou divisément à la rédaction de leurs cahiers et à l’élection de leurs députés pour les Etats Généraux ».