Annexes
1. L’arbre de la Liberté
« Quand il était question de planter l’arbre de la Liberté, les membres de la nouvelle municipalité furent fort divisés. Quelqu’un suggérait qu’on plante un chêne puisque c’ est un arbre qui traverse les siècles mais on trouva que le chêne rappelait trop la royauté avec Saint-Louis prononçant la Justice au chêne de Vincennes. Le maire de Précy aurait voulu que ce soit un tilleul étant donné ses fleurs odorantes qui permettent des infusions calmantes, mais on trouva qu’il rappellerait trop « les erreurs » ? (illisible) et puis qu’il attirerait trop les moustiques vu la proximité de l’Oise. Quelqu’un proposait alors de planter un marronnier en souvenir de Camille Desmoulins qui arborait une feuille de marronnier sur son chapeau lorsqu’il haranguait les foules dans les Jardins du Palais Royal à Paris. L’ Assemblée ne comprit pas tout de suite. L’intéressé leur expliqua que le publiciste révolutionnaire qu’était Camille Desmoulins avait fait le procès de l’Ancien Régime dans un pamphlet intitulé « La France libre ». Tout le monde l’écouta avec intérêt et puis on vota à l’unanimité pour que l’arbre de la Liberté soit un marronnier. On le planta près du mur du château au carrefour à l’entrée du pays pour qu’ on le remarque bien.
Il y avait là auparavant, une croix qu’on avait arrachée comme toutes celles qu’on avait enlevées à l’entrée des champs des prêtres et sur la voie blanche. On souligna que c’était important qu’on remarque bien l’arbre de la Liberté « pour bien-être vu par les Comités de Salut Public de Chantilly et pour ne pas réveiller la suspicion des agents pointilleux du district de Senlis ».
C’était une fête joyeuse sans trop de monde si ce n’est que des jeunes. L’arbre était décoré de rubans bleus, blancs et rouges. Le maire tenait l’arbre de sa main pendant qu’on mettait de la terreau pied et il criait : « Vive la Liberté ! ». Puis les enfants reprirent en choeur : « Vive la Liberté ! ». Puis on entonnait le chant de la Marseillaise qu’on leur avait appris pour la circonstance et qu’on chantait fort mal. Après, ce fut la Carmagnolle et d’autres rondes et on dansa tout autour de l’arbre jusqu’à la tombée de la nuit.
Selon Louis Sébastien Landru, Maître d’école à Précy en 1789.
2. Original, non ?
A la Révolution Française, les habitants de Précy n’ont pas seulement planté un arbre de la Liberté mais également un arbre de la Fraternité… et après tout, peut-être aussi un arbre de l’Egalité mais cela, les Archives existantes ne le signalent pas.
Sans être extrémistes comme ceux de la commune de Bresles qui firent condamner à mort celui qui avait scié l’arbre de la Liberté, les Précéens publient un arrêté pour protéger leur arbre. Le texte du « Registre des Délibérations Communales de Précy (1793-1808) » dit exactement ceci :
« Ce jourd’hui décady Nivose (Fan II) le Maire, officiers municipaux membres du Conseil Général de la Commune, des membres du Comité de Surveillance en présence de la Garde Municipale et des Citoyens de la Commune en grand nombre, on a planté l’arbre de la Fraternité sur la place publique du marché (1) et on a célébré par des jouissances en mémoire de la reprise de Toulon (2) et tous les citoyens réunis ont porté des… (fleurs ?) à la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, aux Braves Sans Culottes de la Montagne et aux défenseurs de la Patrie de laquelle réjouissance on a rédigé le présent procès verbal les dits jours et on a arrêté que les différentes inscriptions qui entouraient l’arbre de la Fraternité et qui ont été attachés au dit arbre seront déposées dans la Maison Commune et qu’incessamment le dit arbre sera entouré de piques et treillages afin qu’ il n’ y soit porté aucune atteinte, et on a chanté des hymnes à la Patrie ».
Signé – De Neuilly, Maire.
Une autre singularité qu’il faut signaler est la façon de voter au Conseil Municipal. Pour les élections du 19 Nivôse de l’an second de la République on procéda au vote de la manière suivante : chaque membre de l’assemblée de Précy recut deux fèves dans la main ; l’une blanche, l’autre noire. Il fallait déposer l’une ou l’autre dans un chapeau que le citoyen De Neuilly, maire, présentait à chacun.
Le 27 Frimaire de l’an second, l’Assemblée Municipale, après avoir écouté le Procureur de la Commune, a délibéré et arrêté que le citoyen De Neuilly, maire et Champion, officier municipal, se rendraient à Mello pour y recevoir du Commissaire du Canton ; « la somme de 4 258 livres pour être répartie entre les citoyens qui . ont souffert de l’ouragan du 8 juillet dernier et devront donner quittance… ». Solidarité oblige… sans qu’il y ait un impôt ou une assurance pour catastrophes naturelles !
(1) La place du marché s’appelait Place du Duc de Montmorency. Débaptisée lors de la Révolution, elle s’appellera « Place des Halles » jusqu’après la première guerre mondiale, où celle prit la dénomination « Place de Verdun ».
(2) En 1793, les Royalistes livrèrent le port de Toulon aux Anglais mais Dugommier, aidé par Bonaparte, le leur reprit.
3. Reliques et reliquaires de Précy
Dans son histoire de la première Croisade, Pierre de Nogent raconte comment Philippe de Précy, s’était croisé sous Roger II, évêque de Beauvais (1095), qui s’enrôla avec un grand nombre de chevaliers tels que Renard de Beauvais, Dreux de Mouchy, Clérambaud de Vendeuil, Mathieu de Clermont, Walon de Chaumont etc…
A son retour des croisades, Philippe de Précy rapporta plusieurs reliques parmi lesquelles un morceau de la Croix du Christ.
On sait qu’en 326, sainte Hélène, mère de l’Empereur Constantin, avait découvert les reliques de la Passion du Christ. A partir de ce moment là, un certain nombre de grands seigneurs, venus en pélerins à Jérusalem, rapportèrent une relique en souvenir. Le fait n’était pas rare. Les reliques étaient à la mode. Ce fut le cas de Lancelin de Dammartin, Seigneur de Villers, qui en 1060 revint de pèlerinage à Jérusalem avec un carreau provenant du Saint Sépulcre. Depuis ce temps là, Villers fut baptisé : « Villers-Saint-Sépulcre ».
On peut aisément deviner avec quel enthousiasme Philippe de Précy fut accueilli à son retour de Terre Sainte. On était friand de reliques sans se poser de questions au sujet de leur authenticité.
Alors que certaines reliques sont restées longtemps en la chapelle du château, celle de la Sainte Croix a toujours été vénérée en l’église et ceci dès le XIIIème siècle selon le chroniqueur.
C’est sans doute à la présence de cette relique que l’Eglise doit son titre de Collégiale puisque « la chapelle du grand autel était de Sainte Croix ».
Au XVIIIème siècle, la Duchesse de Montmorency-Luxembourg, châtelaine de Précy, offrit les reliques du château à l’église paroissiale. Le Cardinal Forbin Janson, évêque de Beauvais, les a « reconnues » – « sur témoignage des seigneurs de Précy et selon la tradition séculaire locale » (4 mai 1694).
Ceci ne donne pas pour autant la certitude absolue de l’authenticité de ces reliques. « Reconnaître » ne signifie pas « authentifier » et une certitude morale n’est jamais une certitude absolue.
Les archives paroissiales précisent que ces reliques étaient enfermées dans « deux boîtes en bois précieux, elles-mêmes encastrées dans des châsses d’argent doré, ornées de gemmes et d’émaux où figuraient les armoiries des Précy ».
Lors de la Révolution Française de 1789, « ces souvenirs de la noblesse » furent jetés dans le feu de joie qu’on avait allumé dans le cimetière autour de l’Eglise. On y avait également brûlé les stalles et boiseries sur lesquelles étaient sculptées les armoiries des seigneurs de Précy.
Le chroniqueur ne dit pas que les châsses furent vendues mais cela semble évident.
« A la tombée de la nuit, le maître d’école alla voir le brasier et s’aperçut que les reliques n’avaient pas été touchées par le feu. Il les arracha au brasier et les garda chez lui jusqu’au retour du curé qui était retenu prisonnier au château de Chantilly ».
Un de ses successeurs, l’Abbé Robert, « aimant le beau » fit faire les reliquaires actuels (1830). Ils sont de style néo-gothique et faits en cuivre doré.
La relique de la Sainte Croix par contre a toujours été l’objet d’une vénération particulière et semble n’avoir jamais été inclue dans l’une des deux châsses précieuses contenant des fragments d’ossements des Saints Martyrs Vital, Clair, Evagre, Arator et Vincence.
La relique de la Sainte Croix est minuscule et fut encastrée dans un petit reliquaire en vermeil poinçonné à la tête de sanglier. Une couronne d’épines en argent est sa seule ornementation. Elle rappelle la couronne d’épines qui entoure l’écu de Philippe de Précy, chevalier, sénéchal et gouverneur des frontières de Flandre, dont le sceau, apposé sur une quittance datée de 1317 est conservé aux Archives nationales. Pierre Gambier l’a reproduit dans son livret « Précy en Isle de France » (1953), page 35. Les seigneurs de Précy devaient être attachés à cet emblème de la Passion. Deux de leurs ancêtres s’étaient croisés ; l’un à la première et l’autre à la sixième croisade.
A l’intérieur du couvercle en vermeil figure un Christ en croix avec à ses pieds Marie Madeleine à genoux.
Le 30 août 1861, le Cardinal François Nicolas Morlot, archevêque de Paris, fit « reconnaître » (recognovimus) cette relique de la Sainte Croix et y apposa son petit sceau. (« sigilloque nostro minimo obsignavimus »).
Ce petit reliquaire est présenté entre deux disques de verre, dans un ostensoir du XVIIIème siècle représentant un soleil rayonnant qui surgit d’une gerbe de blé où s’entremêlent des grappes de raisin. La lunule est entourée d’un nuage avec quatre têtes d’anges. Le nœud est lui aussi une composition autour de deux têtes d’angelots. Le pied comporte des décorations autour d’un triangle, symbole du Dieu Trinitaire. Le tout repose sur quatre pattes griffées.
Encore maintenant, chaque année, le jour du Vendredi Saint, anniversaire de la mort du Christ, cette relique est proposée à la vénération des chrétiens de Précy.
4. Le retable de Précy
Un retable est un ornement d’architecture, de sculpture ou de peinture exécuté en retrait de la table d’autel. Le retable de l’ancien maître-autel du XIIIème siècle est une sculpture sur pierre dont la pièce principale est un bas-relief. Les spécialistes estiment que ce qui nous reste aujourd’hui (1989) est une recomposition à partir d’éléments d’époques différentes.
Les petites colonnes sont les pièces les plus antiques. La partie supérieure représentant le Christ en croix, entouré de la Vierge et de saint Jean escortés par les apôtres Pierre et Paul, patrons de la Collégiale de Précy, eux-mêmes accompagnés par les apôtres Jacques et Barnabé ; elle est posée sur un ensemble décoratif plus tardif.
Les archives paroissiales signalent que vers 1842, le curé Decaux fit « restaurer » les autels de la sainte Vierge et de saint Louis. En effet, les autels avaient été « brisés » au cours de la tourmente révolutionnaire. Si on ne parle pas de la restauration du maître-autel, c’est que celui-ci a sans doute été abîmé au point qu’ils ont décidé de l’enterrer conformément aux lois de l’Eglise en pareil cas. Le Droit canonique reprend ces prescriptions.
On sait qu’en avril 1851, en exhumant les corps du cimetière autour de l’Eglise pour les transporter au nouveau cimetière sur la route de Neuilly-en-Thelle, on découvrit le retable.
Prétendre que le Précéens l’avaient enterré « pour qu’il échappe aux destructions des pioches révolutionnaires » me semble invraisemblable pour la bonne raison que le curé n’a même pas eu le tempsde cacher l’argenterie et les vases sacrés de l’église ce qui est certainement plus facile que de démonter et de cacher ce lourd retable en pierre.
Pourquoi d’ailleurs le curé Decaux ne l’aurait-il pas fait « restaurer » comme il fit pour les deux autres autels ? Pourquoi en 1873, le curé Chambay ouvre-t-il alors une souscription pour « reconstruire » les trois autels brisés au cours du vandalisme révolutionnaire de 1793 ?
Pourquoi l’architecte Viollet-le-Duc – expert en restaurations de tout ordre – a-t-il préféré doter notre église d’un nouvel autel sorti de ses cartons en même temps que le portail latéral ?
Les réponses renvoient de toute évidence à l’explication que j’ai donnée.
Ce qui disparut dans le vandalisme révolutionnaire à Précy
– La statue du Dieu de Pitié. Ecce Homo du XVème siècle en pierre au lieu dit « Dieu de Pitié ».
– La niche et la statue de saint Germer : statue en pierre du XVIème siècle au coin de la rue Saint-Germer.
– La statue de saint Pierre. Bas relief dans le champ dit de « Saint-Pierre ».
– La statue de saint Vincent au coin du clos des moines.
– Les archers réussirent à cacher la statue de leur patron saint Sébastien qui ornait le fronton du bâtiment de l’archerie.
– On enleva la croix de la terre des prêtres, de la vigne du côteau et de la blanche voie.
– On vendit trois cloches pour la fonte.
– On enleva le coq du clocher.
– On brisa les trois autels de l’Eglise dont le retable du XIIIème siècle.
– On brisa le gisant et le tombeau de marbre du Seigneur de Précy.
– On vendit les huit cercueils de plomb des seigneurs de Précy.
– On effaça la litre peinte au-dessus des colonnes de la nef centrale de l’église. (On en voit encore quelques traces près de l’orgue).
– Un ornement chape de tapisserie aux fils d’or du XVème siècle et deux ornements en drap d’or aux brocarts furent vendus à Paris.
– « Un Missel d’autel, incunable illustré de miniatures et d’enluminures et dont les plats étaient recouverts de plaques d’ivoires sculptées, entourées de pierres précieuses en cabochon » (vendu, brûlé, volé…?).
– Dans le feu de joie allumé dans le cimetière devant l’église, on jeta les reliques, les tables et boiseries du XVIème siècle où figuraient les différents écus et armoiries des Seigneurs de Précy, le banc d’œuvre orné de figurines et de fleurs de lys (XVIème siècle – il en reste quelques planches), des bancs d’église, les registres, parchemins et archives de la paroisse…
– On vendit « deux châsses d’orfèvrerie ornées de gemmes et d’émaux où figuraient les armoiries des Précy ». (XIIIème siècle).
– On vendit « un ostensoir en argent, deux calices, des boites aux saintes huiles, deux chandeliers en argent, une croix de procession, un instrument de Paix aux effigies de saint Pierre et saint Paul ; le tout pour 55 marcs 2 onces d’argent ».
– Deux tapisseries de Beauvais du XVIIIème siècle, l’une représentant saint Pierre délivré de sa prison, l’autre saint Paul terrassé de son cheval, sur le chemin de Damas.
Vente des biens de l’église
N° 20 – Le 3 janvier 1791. Vente d’une terre appartenant à la cure de Précy, située à Précy, vendue à Jean Tardu, notaire à Précy pour 2 425 livres.
N° 21 – Le 3 janvier 1791. Vente d’une terre appartenant à la Chapelle de Précy, située à Précy, vendue à Jacques Rouard curé d’Aumont pour 8 100 livres.
N° 251 – Le 22 avril 1791. Vente du corps de ferme appartenant à l’Abbaye de Royaumont, situé à Précy, vendu au citoyen Jean Tardu, notaire à Précy pour 1 650 livres.
N° 508 – Le 4 août 1792. Vente de la vigne appartenant à la cure de Précy, situé à Précy, vendue à Florent Delaunoy, curé de Précy pour 1 000 livres.
N° 556 – Le 22 décembre 1792. Vente des terres appartenant à la Fabrique de l’Eglise de Précy, situées à Précy, et vendues au notaire Tardu pour 11 500 livres.
Confirmations
25 septembre 1795
Confirmations en l’église de Précy par Monseigneur Jean-Baptiste de Belloy, futur cardinal-archevêque de Paris (1708-1808). Il était né à Morangles sur le plateau de Thelle dans le département de l’Oise. Le siège de Beauvais était vacant. L’Evêque comte Jean-François de la Rochefoucauld, victime de la vindicte révolutionnaire venait d’être martyrisé au couvent des Carmes à Paris, le dimanche 2 septembre 1792, son frère, Pierre Louis de la Rochefoucauld, évêque de Saintes, l’évêque d’Arles ainsi que quatre prêtres du diocèse de Beauvais parmi lesquels le chanoine Pierre Brisse, ancien curé de Boran, figurent parmi les 191 martyrs massacrés au couvent des Carmes. Le Pape Pie XI les a inscrits au catalogue des Bienheureux. C’est pendant cette période trouble que Mgr de Belloy, toujours prêt à rendre service malgré son grand âge, vint confirmer les enfants de Précy et ceci à la demande de Monsieur l’Abbé Delaunoy, curé de Précy, revenu depuis peu du château de Chantilly où il avait été détenu avec des prêtres, nobles et autres citoyens jusqu’à la chute de Robespierre.