Le Pouillé du Diocèse de Beauvais, établi en 1707, précise qu’un indult daté du 22 août 1664 signé par le Cardinal Chigi, légat papal en France, accorde à » Angélique de Vaucouleurs âgée de 55 ans, fort infirme, ayant bâti à ses dépens une maison pour panser les malades, recevoir les orphelins et INSTRUIRE LA JEUNESSE, et promettant y construire un oratoire… que cette maison soit érigée en hôpital et qu’on puisse y administrer le sacrement de l’Eucharistie… « .
Quelques ruines de ce petit oratoire subsistent au n°28 bis de la rue Gaston Wateau. En 1980, on pouvait encore y voir le petit clocheton qui s’écroula lors d’une tempête.
Angélique de Vaucouleurs paya de ses deniers » l’écolâtre paroissial » de Précy pour que l’enseignement soit gratuitement dispensé dans son établissement. Le livre des comptes de la paroisse mentionne que » l’écolâtre paroissial et maistre d’escolle auprès de Dame de Vaucouleurs qui le rétribue pour ce service, devra également dresser un état des baptêmes, mariages et sépultures dans la paroisse, ainsi que des événements remarquables et curieux survenus au village « .
Etant donné la modicité de son traitement paroissial – 250 livres en 1787 – il bénéficiera de l’herbe et du foin du cimetière, des fruits des arbres derrière l’église, ainsi que de la fiente des pigeons du clocher, qu’il mettait en sachées, vendues à raison de 30 sols le sac. (1775).
Vu sa situation précaire, il lui sera accordé de prendre des élèves en pension » pourvu que les droits d’écolage soient réglés par les parents, suivant l’âge et le degré d’instruction des enfants… « . Ces cours particuliers étaient payés en argent et en nature, l’encre, les plumes et le papier étaient à charge des parents de ces élèves particuliers.
En décembre 1788, un laboureur donne au maître d’école : » un minot de blé et 24 sols par mois » pour l’enseignement prodigué à son fils. Pour l’apprentissage du plein chant, il lui donne 250 fagots à 13 livres.
En 1788, le maître d’école demande 24 livres pour un cours particulier d’arpentage ou mesurage.
Ces élèves des cours particuliers étaient surtout des fils de laboureurs ou vignerons aisés.
Pour pouvoir payer l’écolâtre et entretenir les pauvres et les orphelins de son établissement où » elle fournissait gratuitement le trousseau, la nourriture, papier, plume et encre à ses protégés « , Angélique avait obtenu l’autorisation de quêter une fois par mois dans la paroisse et de placer des troncs chez quelques commerçants tels le boucher, les boulangers et les vignerons. Le reste de leurs modestes ressources provenaient de dons, de legs, de jubilés, d’amendes de cabarets, de rentes, etc…
Le chirurgien-apothicaire, habitant à côté de sa maison, soignait gracieusement les quelques pauvres malades et orphelins qu’Angélique de Vaucouleurs avait pris sous son aile. Quand plus tard, à la mort du médecin généreux, elle dut faire appel au sieur Allou, maître chirurgien à Précy, elle régla sur ses propres deniers les honoraires du médecin.
La scolarité était rythmée par les saisons et les travaux agricoles, ce qui signifie que peu d’enfants suivaient l’école pendant la préparation des champs et des vignes, la moisson et les vendanges. L’hiver était la saison la plus propice à l’instruction.
A la charge du maître d’école également, l’organisation de la fête de Sainte Catherine (25 novembre) pour les filles et la Saint Nicolas (6 décembre) patron des écoliers, pour les garçons. Ces fêtes furent supprimées en 1788 » vu la cherté des denrées » pour le repas de fête donné à ces occasions.
Le maître d’école assistait le bedeau et les enfants de choeur, il veillait aux sonneries des cloches. Un article du règlement précise : » l’école sera sonnée tous les jours au coup de huit heures du matin et commencera à huit heures et demie juste pour finir qu’à midi moins le quart passé et que l’Angélus puisse être sonné à midi juste. L’Après midi elle sera sonnée à une heure et demie et commencera à deux heures juste pour finir à cinq « . (E. Morel)
C’est l’écolâtre lui-même qui sonnait la cloche de l’église pour avertir les écoliers de se rendre à l’école. Pour l’entretien du jardin potager du curé, il touchait également une gratification annuelle de 40 livres en 1789, sans parler des étrennes (6 livres) et autres dons en argent ou en nature.
Lorsqu’au printemps 1789, la misère se fit sentir davantage, les marguilliers de la paroisse votèrent une allocation pour financer la charité d’Angélique de Vaucouleurs. Le maître d’école était également rétribué » pour faire la dîme » et pour tirer le canon et sonner les cloches lors de l’installation d’un nouveau curé. Il était, en somme, la main droite autant du curé que de Dame Angélique de Vaucouleurs et du duc de Montmorency, puisque ce dernier lui paya également un traitement de cinquante livres par an.
Vers 1720, Madame de Montmorency-Bouteville y installa une religieuse de Sainte Geneviève de Paris.
Louis Graves écrit en 1823 qu’on ne trouve dans le canton d’autre enseignement que celui des écoles primaires. Dans sa liste, il signale qu’il y avait en 1823, soixante deux écoliers à Précy et que, sur 749 habitants, 149 personnes savaient lire et écrire.
L’endroit précis où se trouvait l’école est celui de la Maison de Charité fondée par Angélique de Vaucouleurs en 1664. A la Révolution, les maîtres d’école sont interdits et les Religieuses enfuies en exil en Belgique. Plus tard, le 21 pluviôse de l’an II de la République, le citoyen Louis Sébastien Landru, ancien maître d’école de la paroisse de Précy et de la Charité est autorisé à sa demande à ouvrir une école à Précy. Madeleine Ginette Le Coeur est également autorisée à ouvrir une école à partir du premier ventôse de l’an II de la République.
Pour aider Landru à arrondir ses fins de mois, le maire et les officiers municipaux de Précy le choisissent plus tard pour » balayer ou faire balayer le temple de l’Être Suprême et la chambre de la commune la veille de chaque décadi et des fêtes… et il lui sera payé trente livres « .
Comme » il n’y a dans la commune aucun autre logement possible d’occuper pour les écoles primaires que la maison dite ‘ la Charité ‘ – d’Angélique de Vaucouleurs – les administrateurs du Directoire du District autorisent la municipalité à s’emparer de la Charité pour y faire tenir les écoles primaires... ». Le 12 décembre 1790, Jacques Jean Charles Tellier, sergent de ladite municipalité procéda à la vente des meubles et effets étant en la maison de la Charité… et l’école primaire y fut installée.
Angélique de Vaucouleurs morte en 1686 à l’âge de 77 ans n’a pas connu ces tristes événements.
Son oeuvre devait cependant continuer dans un autre esprit et sous d’autres formes mais toujours au service de la jeunesse.