Parler des écoles, c’est s’avancer sur un terrain truffé de mines. Deux thèses se sont classiquement affrontées depuis 1880. D’une part, ceux qui voient dans l’Ancien Régime le règne de l’ignorance et parlent facilement de désert scolaire, d’obscurantisme et de crétinisation des masses ; et, d’autre part, ceux qui insistent sur le très vaste réseau des petites écoles paroissiales et sur le travail de fourmi des curés, clercs, frères, écolâtres et religieuses dans les villes et campagnes de France.
Rien que la congrégation de Saint Jean-Baptiste de La Salle, qui se consacrait à l’enseignement gratuit des pauvres, comptait en 1789, 110 établissements pour 30.000 garçons. Il suffit également d’examiner tant soi peu les signatures et les minutes des actes notariaux pour se rendre compte que la France de l’Ancien Régime était plus alphabétisée qu’on ne l’a cru généralement. Les polémiques du XXème siècle, souvent basées sur des critères dénaturés hérités du XIXème siècle, ne tiennent pas devant les faits et situations objectivement historiques.
L’enseignement, l’instruction et l’éducation des enfants ont toujours tenu une grande place dans les préoccupations des nations civilisées.
Au cours des siècles, on a souvent remis en cause et remanié les méthodes, les programmes, le personnel, etc.
Cette perpétuelle remise en cause ou évaluation continue a démontré ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas toujours une avancée au profit des élèves.
En faisant un survol historique, on peut dire que les documents relatifs aux écoles en province sont rares avant le XIème siècle.
Les écoles paroissiales fondées pour les enfants du peuple, se perdent dans la nuit des temps. Il était inconcevable d’ériger une paroisse sans qu’il y ait en même temps une école.
Le 2ème Concile provincial de VAISON (Vaucluse), ouvert en 529, prescrit en son premier canon, l’obligation aux prêtres de toutes les paroisses des Gaules, d’avoir une école chez eux pour y former de jeunes lecteurs. Le Concile de TOUL de 859, insiste sur « la décadence des écoles, due aux invasions des Normands et des discordes civiles sous l’empire carolingien ».
Le Concile supplie les princes de « reprendre en main les écoles publiques comme l’avaient fait précédemment les empereurs ». Aux prêtres, le Concile demande « de donner des soins assidus à leurs écoliers … de leur enseigner les belles lettres ». Au Moyen Age, on désignait souvent l’église et le presbytère sous le nom de moustier – monasterium. Là en effet se trouvaient réunis comme dans un monastère, les prêtres, un maître d’école, les clercs, les moines, etc. On en trouve à MONTMARTIN (1219), Saint Germain à NOYON (1308), le Moustier de CHEVRIÈRES (1371), de RHUIS et de SAINT-GERMAIN lès VERBERIE (1390), THIESCOURT, MONTLÉVÊQUE, etc…
Il y a également de très nombreux témoignages écrits qui font état d’écoles épiscopales, monastiques ou paroissiales avant le XIème siècle. C’est le cas de saint Médard qui naquit en 456 à SALENCY près de NOYON (Oise). D’après les historiens, il fréquenta l’école paroissiale de SALENCY et « surpassa en peu de temps tous ses compagnons par son prodigieux savoir dans la science des lettres ». Il alla également aux écoles de VERMAND et à celles de TOURNAI.
De même, saint Germer fut élevé à l’école épiscopale de BEAUVAIS tout comme saint Audebert né en 610 à SENLIS « se montra le disciple assidu des maîtres les plus pieux et les plus savants » à l’école épiscopale de SENLIS. On conserve, aux Archives Départementales de l’Oise (A.D.O.), une charte datée de 972, signée par l’évêque Constance de SENLIS. Elle comporte la signature de quatre enfants de chœur ce qui prouve qu’ils savaient écrire et sans nul doute lire.
Yves de Chartres né en 1040 à AUTEUIL près de BEAUVAIS, étudia la philosophie et les belles lettres à l’école épiscopale de BEAUVAIS. On pourrait multiplier les exemples qui prouvent qu’il y eut des écoles dans notre région. A partir du XIème siècle apparaît un personnage entouré partout d’honneur et de vénération. C’est l’écolâtre : magister scholarum ou encore appelé scholasticus. Il cumule souvent la fonction de directeur des écoles avec celle de chantre, maître de cérémonies ou de bibliothécaire.
C’est souvent un clerc ou un religieux. On connaît le nom et les fonctions de plusieurs écolâtres réputés comme GAUTIER qui était écolâtre-bibliothécaire à BEAUVAIS vers 1100, Raoul de BEAUVAIS qui vers 1155 était professeur de grammaire à l’école épiscopale de BEAUVAIS. Les registres capitulaires des cathédrales, monastères ou églises paroissiales donnent des renseignements précis sur les charges et prérogatives des écolâtres. C’est ainsi qu’on apprend par exemple qu’ils formaient les lecteurs pour les offices religieux. Les écolâtres avaient leurs célébrités comme Guibert de NOGENT (XIème siècle), écolâtre à l’abbaye SAINT-GERMER-de -FLY (Oise). Ses « Gesta Dei Per Francos » restent une référence. De même, Raoul de FLY mort en 1157, écolâtre de l’école de l’abbaye qui a laissé des commentaires sur le Lévitique, les Proverbes, les Épîtres de saint Paul, etc…
Jean BARILLET, écolâtre du XVème siècle, au chapitre de saint ÉVREMOND à CREIL, dirige les écoles de CREIL. Il était écolâtre-calligraphe.
On sait combien Charlemagne a poussé à favoriser l’enseignement et en particulier l’enluminure et les miniatures. A CRÉPY en Valois, l’écolâtre est à partir du XIIème siècle chargé des enfants pauvres pour leur procurer en plus de l’instruction, des secours en argent ou en blé. A SENLIS, il y eut dès le Xème siècle une école paroissiale (972). En 1151, l’évêque Thibault de SENLIS établit définitivement un écolâtre à l’école qui prit le nom de Notre-Dame et de Saint Rieul.
Quand les terreurs de l’an mil furent dissipées, on fonda dans la plupart des villes, des maisons pour étudiants sans fortune appelés Hôpitaux, Charité ou Hôtel-Dieu où les écoliers indigents avaient gîte, table et ressources de tout genre. C’est ainsi que l’on comprenait la gratuité de l’enseignement avant l’école publique républicaine, laïque et gratuite. On désignait les élèves du nom de « Capette » à cause de la petite cape qu’ils portaient. Ailleurs, ils s’appelaient « les Bons Enfants » à cause de leur conduite exemplaire ; ailleurs encore on les appelle les « Pauvres Clercs » à cause de leur statut social.
Plus tard, on ouvre des collèges : collège à BEAUVAIS (1370), les Jacobins à BEAUVAIS (1615), SAINT-GERMER-de-FLY (1686), GERBEROY (1586), CLERMONT (1574), COMPIÈGNE (1560), SENLIS (1523), etc.
Ces collèges viennent en plus des écoles, des Charités, Hôtel-Dieu, etc. Les écolâtres clercs ont une place dans les stalles du chœur de l’église, souvent à droite du curé de la paroisse.
Les évêques veillent à la formation des écolâtres dont certains ont une maîtrise. Les curés sont chargés de surveiller et de contrôler l’enseignement donné, de s’assurer des progrès accomplis par les élèves et de les encourager à mieux faire encore.
« À PRÉCY en Isle de France, une daine de VAUCOULEURS fonda en 1664 un Hôtel-Dieu pour secourir les malades, recevoir les orphelins et instruire gratuitement la jeunesse. La duchesse de Luxembourg donna des bâtiments pour établir un petit hospice en 1699. Vers 1720, Madame de MONTMORENCY-BOUTEVILLE y installa une soeur de Sainte-Geneviève de PARIS pour y tenir l’école à perpétuité. » (Op.cit. page 112).
À la Révolution française, l’école, l’Hôtel-Dieu, Charité, le presbytère et les propriétés et terres de la paroisse sont vendus comme biens nationaux. L’écolâtre et la maîtresse d’école, la religieuse sont interdits d’enseigner.
L’histoire du maître d’école de PRÉCY est éloquente. Louis Sébastien LANDRU, l’écolâtre, chantre depuis 17 ans devient en 1791 secrétaire greffier au conseil municipal. Quand le 16 Pluviôse de l’an second, les gouvernants lancent un appel aux candidatures de maîtres d’école et à l’ouverture des écoles, LANDRU pose sa candidature ainsi que Madame Ginette Le CŒUR pour l’école des filles. Toute cette réorganisation de l’enseignement primaire ne va pas sans mal.
Louis GRAVES relate dans ses statistiques de l’Oise qu’à PRÉCY en 1825, il y avait 62 élèves et, en 1827, 75 élèves. Le nombre de gens sachant lire et écrire est de 149 : soit un cinquième de la population. Il écrit : « On peut dire qu’il y a encore peu d’instruction répandue dans la population. On peut ajouter que l’intelligence y dépasse le savoir, ce qui est à coup sûr d’un heureux augure pour l’avenir. » (L. GRAVES. Pages 243-245).
Comme écoles, il n’y a alors que les écoles primaires. Elles sont généralement ouvertes au mois de novembre et ferment à la moisson. PRÉCY a une école pour les filles et une pour les garçons. La classe unique est de règle. Il y a plus de garçons que de filles scolarisés.
Les méthodes d’enseignement posent beaucoup de problèmes ainsi que la situation précaire des instituteurs, ce qui les oblige à cumuler d’autres fonctions vu la modicité de leur traitement.
Il faudra du temps pour que l’enseignement populaire s’organise. En 1824, devant l’impossibilité de trouver suffisamment de maîtres d’école et de locaux pour accueillir les enfants, la loi rend à l’évêque et aux curés le contrôle sur la nomination des maîtres et la surveillance des écoles. En 1833, la loi Guizot renforce l’obligation imposée aux communes d’avoir une école.
En 1881 la loi oblige la gratuité des écoles publiques. En 1878, 54,6 % des élèves de l’école publique paient leur scolarité. En 1880, ils sont encore 52% à payer mais en 1881, le pourcentage tombe à 8,9%.
La loi du 28 mars 1882 établit l’obligation scolaire en obligeant les parents à envoyer leur enfant à l’école.
En 1881, près de 80% des enfants du département de l’Oise sont scolarisés dans le primaire. On compte alors 1.131 écoles dont 135 écoles libres et 996 écoles publiques.
C’est seulement en 1882 que la loi prévoit la création dans chaque village d’une école publique, laïque et gratuite. A partir de cette date les écoles paroissiales et celles placées sous la surveillance ou l’autorité du curé sont laïcisées ou supprimées. C’est en 1850 qu’à PRÉCY on avait procédé à une école pour filles et une pour les garçons. La mairie-école pour les filles sera terminée en 1854. Le projet de construction des nouvelles écoles et leur réalisation se fera vers 1905. C’est alors la fermeture et la suppression des écoles Saint-Joseph pour les garçons, tenue par l’instituteur paroissial, et celle de Notre-Dame pour les filles, tenue par les religieuses de la Compassion. Ces dernières quittent PRÉCY peu après la loi interdisant les Congrégations Religieuses. Ce n’est qu’après le don d’un terrain par Henri YOUF que l’on construira les écoles Jean-Baptiste MOLIÈRE et Jules VERNE et, plus tard après la Seconde Guerre mondiale, l’école George SAND. Devenues mixtes, elles sont, en 2001, regroupées en un ensemble qui porte le nom d’Angélique de VAUCOULEURS (21/12/2001).