LE CHEVET PLAT DE L’ÉGLISE

Le chevet de l’église


Chaque année, nous apporte un défilé de visiteurs, de touristes curieux, d’admirateurs et d’amateurs d’art. Cette année, nous avons eu, entre autres, la visite du Professeur Jacques Thiébaud, de l’Université de Lille, où il enseigne en particulier l’Art Roman. Il a fait une étude du chevet plat de notre église. Les lignes qui suivent sont en partie extraites des notes qu’il a bien voulu me communiquer.
« Dès le XIe siècle au moins, le chevet plat a connu le large succès dans les régions du Nord, surtout dans les campagnes, car il est aisé à réaliser même par des maçons malhabiles ».

Saint-Etienne de Beauvais

C’est principalement dans les communautés Bénédictines, Augustines puis chez les Cisterciens et les Prémontrés, mais aussi dans les Collégiales qu’on retrouve ces chevets plats. On sait, pour Précy, que les moines de Saint-Leu-d’Esserent ont contribué à l’élévation du choeur de notre église collégiale. Les Collégiales de Saint-Etienne de Beauvais, de Saint-Jean-des-Vignes à Soissons, de Saint-Vincent à Laon, de Saint-Nicolas d’Amiens, etc… sont de la même inspiration. Le chevet peut être plus long que les annexes, c’est-à-dire des bas côtés; on a alors à faire à une variante comme à Saint-Nicolas d’Amiens. A la fin de l’époque romane et au début de l’époque gothique, on allonge volontiers les ailes pour les aligner sur le chevet. A l’est, l’église se termine alors par un grand mur rectiligne comme à Saint-Denis de Reims. Cette tradition est donc bien enracinée, même pour les plus grands édifices comme la cathédrale de Laon.
Comment a-t-on traité ce mur du chevet ? Ce mur, limité à l’extérieur par des contreforts, fut pour sa partie centrale surélevé au-dessus des demi-pignons des collatéraux coiffé par un pignon triangulaire et largement ajouré, au départ le plus souvent par deux registres d’ajours. Ceci est en liaison avec la théologie de la lumière. Le Christ a dit: « Je suis la lumière du monde, celui qui marche à ma suite ne sera pas dans les ténèbres ». Le matin, le prêtre qui officie, est inondé de la lumière du soleil qui pénètre par les fenêtres (Idées Néo-Platoniciennes).

Rose de Jericho

Avec la période gothique, ces fenêtres s’allongent, s’agrandissent comme à Nogent-les-Vierges (Oise) et à Cambronne (Oise). Mais depuis le début du XIIe siècle, un thème nouveau s’est diffusé à la façade occidentale : celui de la rose. D’abord petite, comme à Saint-Etienne de Beauvais au croisillon Nord, la rose ne tarde pas à s’agrandir : c’est le cas de la Cathédrale de Laon. Il y a ainsi toute une symbolique de la rose. La rosace serait ainsi l’expression de la forme parfaite, de l’unité du Cosmos, de la Création de Dieu. La rose de Jéricho, qui pousse dans les sables maritimes de Syrie et d’Arabie, n’est peut-être pas étrangère à l’évocation de mort et de résurrection à laquelle pourrait prétendre la rosace. La rose de Jéricho possède, en effet, la propriété de revivre après avoir été séchée. Dans la Bible, la rose est signe du printemps où tout renaît dans la lumière du soleil (Sag. II 8). Ailleurs, la rose est signe de croissance (Sir. 39, 13). Portail mis à part, le chevet est la réplique du mur de façade. Rien d’étonnant à ce que ce thème de la rose ait conquis le mur du chevet. Deux versions apparaissent : l’une ouvre davantage et l’autre ferme davantage l’édifice. Dans la première version qui nous intéresse pour Précy, le mur du chevet présente un niveau inférieur troué de lancettes auxquelles se superpose une grande rose. C’est également le thème de la Cathédrale de Laon repris à Vaux-sous-Laon.

La cathédrale de Laon

A Précy, à la différence de Laon, le mur conserve partout la même épaisseur. A Laon, la rosace est bordée à l’intérieur comme à l’extérieur. Les trois lancettes sont ménagées au fond de tiforium.
On a pour un sanctuaire modeste et dans la tradition romane — bien que ce soit une réalisation incontestablement gothique — supprimé ce registre médian et laissé le mur lisse. Il y a donc bien discordance entre les élévations latérales et celles du mur du fond.
La rose de Précy est une version simplifiée de celle du chevet de la Cathédrale de Laon : cercle central, pétales en divergeant, demi-cercles ouverts vers l’extérieur, pour la périphérie. Mais pas de pétales dans l’axe des deux diamètres perpendiculaires sauf dans le bas, d’où onze pétales au lieu de douze à Laon. Et par simplification aussi, le cercle central n’est pas redenté.

Le vitrail gothique

Vu côté de la voûte sexpartite, celle-ci cesse d’être à la mode au début du XIIIe siècle. La voûte quadripartite, non pas absente antérieurement, triomphe désormais, sauf cas spéciaux comme à Bourges. On trouve à Précy un profil qui était courant à la fin du XIIe siècle. Quant aux chapiteaux, ils sont à crochets et à feuilles lobées disposées entre les huit crochets correspondant aux angles du tailloir octogonal. On trouve le même type de feuilles à la clef de voûte sexpartite. Le feuillage naturaliste du règne de Saint-Louis n’est pas encore apparu d’où ce feuillage conventionnel (ceci contrairement à ce qu’écrit Pierre Gambier à la page 23 de son opuscule consacré à « Précy en Isle-de-France », Edit. Farnèse, Paris 1953).
Le Professeur Thiebaut écrit : « Avec tous les éléments que j’ai analysés, J’ESTIME DONC QUE CHOEUR AU CHEVET PLAT A DÛ ÊTRE MONTÉ AU COURS DE LA PREMIÈRE PARTIE DU XIIIe SIÈCLE ».
« La partie nef pose des problèmes, car les arcs-boutants appartiennent à la première campagne de construction. La nef résulte donc d’une importante reprise en sous-œuvre. Il faudrait examiner de près cette partie : sutures de maçonnerie, nature de la pierre, etc… travail que je n’ai pas fait à ce jour ».

Au cours de cette année 1987, grâce au concours de la Municipalité et du Ministère de la Culture — département des objets classés — notre église a retrouvé son orgue restauré. Il est resté muet pendant environ sept mois et nous avons à nouveau la joie de l’entendre sonner.
Au cours de cette même année, on a restauré le vitrail classé de Saint-Louis (XIXe siècle), ainsi que celui de la fenêtre au-dessus des fonts baptismaux.