En 1664, fut fondé à Précy un établissement que Mgr Nicolas Choart de Buzenval, évêque de Beauvais, fut heureux d’approuver, parce qu’il y voyait avantage pour la classe qui lui inspirait le plus d’intérêt, celle des malheureux. La Dame de Vaucouleurs, qui avait de grandes propriétés en ces lieux, en consacra une partie à la fondation d’un Hôtel-Dieu, où les malades seraient reçus et soignés dans leurs maladies et convalescence, les orphelins accueillis et élevés avec soin, et une école gratuite ouverte pour l’instruction de l’enfance. (Delettre, Histoire du Diocèse de Beauvais, Tome III p.483, Beauvais, Desjardins, 1843).
Le Pouillé du diocèse de Beauvais, établi en 1707, précise « Indult du Cardinal Chigi, Légat en France du 22 août 1664 certifié par les notaires apostoliques Hubert et le Vasseur et signé d’eux avec paragraphes du 27 en suivant le dit indult, portant que Angélique de Vaucouleurs, agée de 55 ans, fort infirme, ayant bâti à ses dépends une maison pour panser les malades, recevoir les orphelins et instruire la jeunesse et promettant y construire un oratoire pour y dire la messe par des prêtres séculiers approuvés, elle désire qu’elle soit érigée en hôpital et qu’on puisse y administrer le sacrement de l’Eucharistie, pour elle, les dits malades et orphelins. Le tout lui est accordé après néanmoins que l’évêque aura visité la dite maison, approuvé le dit hôpital et donné les permissions nécessaires qui ne dureront qu’autant qu’il lui plaira et ce sans préjudice du curé du lieu et de ses droits curiaux, exceptant néanmoins le jour de Pâques et les fêtes plus solennelles si la nécessité le requiert. » (Archives Départementales de l’Oise, série G, Domaines à liquidation et séquestrés, 1790. Etablissements Charitables, Série X, Hospice de Précy 1806 à 1840 et série O, 1805 à 1840 et Plan d’Intendance au 27/03/1786).
Les chroniques paroissiales aidant, nous pouvons distinguer quatre étapes dans l’histoire de la Charité de Précy :
1° la maison où Angélique de Vaucouleurs accueille dès 1648 des pauvres malades,
2° La Charité organisée selon les directives de Louise de Marillac et canoniquement érigée en 1664 par Mgr de Buzenval, évêque de Beauvais,
3° La transformation de la Charité, organisme privé, en Hôtel-Dieu public en 1707 par le Cardinal de Janson, évêque de Beauvais,
4° Sa confiscation, expropriation et vente aux enchères publiques le 12 décembre 1790 lors de la tourmente anti-religieuse de la Révolution Française.
Il ressort des Chroniques paroissiales, qu’Angélique de Vaucouleurs avait eu l’occasion de rencontrer Mlle Legras lors de sa visite à Chantilly. Elle l’avait entretenue de l’état misérable des pauvres malades et du nombre d’orphelins livrés à eux-mêmes en sa bonne ville de Précy. Mlle Legras sut la convaincre d’agrandir sa maison et de l’organiser pour pouvoir y accueillir tout ce petit monde malheureux. L’évêque de Beauvais, Mgr de Buzenval, fut sollicité pour donner son approbation. Il vint lui-même à Précy en 1664, accompagné de son ami et conseiller Godefroy Hermant, pour ériger canoniquement La Charité de Précy. Après la messe pontificale célébrée en la Collégiale de Précy, ils furent reçus à la table de François-Henri de Montmorency, seigneur du lieu, qui était venu exprès de Paris pour rencontrer le prélat. Le prince de Condé fut parmi les convives. Il s’entretint longuement avec l’évêque ainsi qu’avec le maître d’école que Madame de Vaucouleurs avait engagé au service de la maison. L’évêque insista surtout sur la nécessité d’ apprendre aux enfants la récitation du Pater, de les familiariser avec le symbole des Apôtres et de leur apprendre les rudiments de la Foi.
Avant de monter dans son carrosse pour repartir à Beauvais, l’évêque laissa une importante somme d’argent pour le fonctionnement de la maison.
Madame de Vaucouleurs sut réunir autour d’elle quelques personnes de qualité, désireuses d’apporter un peu de réconfort et d’amitié aux malades et aux orphelins. Elles quêtaient une fois par mois dans la paroisse et plaçaient des troncs chez quelques commerçants tels le boucher, les boulangers et les vignerons. Le reste de leurs modestes ressources provenait essentiellement de dons, de legs, de jubilés, d’amendes de cabarets, de rentes, etc. Le notaire de Précy assistait bénévolement de ses conseils la Charité naissante. Les nombreux vignerons de Précy fournissaient à tour de rôle et souvent avec beaucoup de générosité, le vin du terroir.
En l’église de Précy, le curé avait accepté d’installer un tronc pour les pauvres et les orphelins de La Charité. Certains commerçants, comme le boucher Auger, de Précy livraient chaque semaine la viande et les volailles. Certaines Dames étaient rétribuées pour les soins accordés aux malades. C’étaient surtout des lessiveuses, blanchisseuses et repasseuses. Le maître d’école était rétribué par le curé de la paroisse mais La Charité lui donnait un supplément pour ses leçons auprès des enfants de la Charité.
Germain Noël, chirurgien-apothicaire exerçant à Précy et autres lieux était un confident de Madame de Vaucouleurs. Longtemps avant l’érection canonique de la Charité, il soignait gracieusement les quelques pauvres malades et orphelins qu’Angélique de Vaucouleurs avait pris sous son aile. Après la mort de Germain Noël, elle fit appel au Sieur Allou, maître chirurgien de Précy. Elle régla sur ses propres deniers les honoraires du médecin. Les chroniques paroissiales donnent une liste des remèdes utilisés dans la maison : « onguent divinum pour les plaies » – myhre, litharge de vert de gris, racine de jalap purgative, granus de lin, arménicon, asponac, galbanum, « pilule diverse pour maux de crâne, vinaigre de cidre, huile d’olives, mastic … ».On mentionne également des lavements, pansements, « palettes à soigner d’étain fine » et autres produits utiles aux malades.
Les grosses dépenses de La Charité sont pour la nourriture ; pain, pommes de terre, œufs, lait, viandes, lapins, volailles (poules et pigeons), parfois on achetait du pain blanc, provenant de Chantilly, pour les malades. Les frais de chauffage sont également élevés car les fagots et le gros bois sont chers. L’éclairage se faisait avec parcimonie car la chandelle vaut 1 sol 2 deniers (1692).
Au début ou à la fin de chaque année, les Dames tenaient leur assemblée générale pour approuver les comptes de l’ année écoulée. On aurait bien voulu améliorer le mobilier de la maison mais les ressources ne le permettaient pas. Ce mobilier est surtout fait « de literies, matelas, Serges de Mouÿ rouge, couvertures et draps de chaume ou de lin. Quelques traversins de poil de lapin ou de paille d’ avoine, des robes de chambre, des bonnets de nuit, des linges pour ensevelir, des potagers et autres récipients ainsi que des écuelles en étain ».
A part quelques armoires, tables et chaises en bois blanc, on n’y trouvait rien d’enviable. Seule une image d’un Christ en Croix suspendue dans la pièce principale ainsi que la statuette de la Vierge assise avec Jésus sur ses genoux placée dans la niche au dessus de la porte d’ entrée pouvaient attirer les regards de cette sombre maison aux fenêtres Henri IV.
Quand, le 10 avril 1671, l’évêque Nicolas Choart de Buzenval revient faire une visite et consacrer l’oratoire de la maison, il est ravi de constater la bonne tenue et la parfaite organisation de La Chatte. A son départ, il laisse 5 livres à la trésorerie.
En 1686, c’est le Cardinal Forbin-Janson lui-même qui vint visiter La Charité de Précy. Madame de Vaucouleurs lui avait demandé de l’ériger en Hôtel-Dieu. Le Cardinal passa une bonne partie de la journée avec les pensionnaires de la maison. Il prit son repas au milieu d’ eux et, en partant pour visiter La Charité de Saint Leu-d’Esserent, il recommanda se s’occuper « avec affection et chaleur des pauvres orphelins à qui il laissa 4 livres.»
Madame de Vaucouleurs avait alors 77 ans et devait mourir peu de temps après. Dans la tourmente anti-religieuse de la Terreur : « le dimanche 12 décembre 1790, Jacques, Jean-Charles Tellier, sergent de la Municipalité de Précy, a procédé à la vente publique des meubles et effets de La Charité des pauvres du dit Précy… et tout fut vendu aux enchères publiques. »
Le 15 novembre 1810, le ministre des Cultes Bigot de Préament adresse au Préfet de l’Oise la lettre suivante : « Monsieur le Préfet, j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint la pétition de l’Abbé Bombart, désservant de la commune de Précy sur Oise, arrondissement de Senlis, qui sollicite la construction d’un presbytère sur le local (lieu) de l’ancien Hôtel-Dieu de cette commune abandonné … » (Arch. Départementale de l’Oise, Série E, Dossier 1805-1819).
L’autorisation est donnée peu de temps après. Entre temps, le curé meurt et la cure reste vacante. Le 10 janvier 1820, le maire de Précy (Champion) écrit à Monsieur le Pair de France, Préfet de l’Oise…
« Nous n’avons pas de maison commune ni de logement pour l’instituteur et pour la tenue de son école, que nous avons à loger. Une occasion se présente à la municipalité pour faire l’acquisition d’un local convenable pour les séances du Conseil, l’emplacement des archives, titres, papiers, actes de l’administration municipale, une salle pour les écoles et un logement commode pour l’instituteur et sa famille.
C’est la maison dite de l’Hôtel-Dieu où l’ on résidait autrefois les pauvres du lieu dans leurs maladies. Depuis très longtemps, on n’y en reçoit plus. Les administrateurs ont préféré de leur donner les secours à domicile, parce qu’il n’a pas tous le temps des malades de cette classe qu’ils aimeraient mieux souvent rester dans leurs foyers pour y être sollicités par leurs proches et que d’ailleurs l’entretien de la maison, des lits, linges, ustensiles et les salaires d’une garde, pesaient dans les dépenses au dessus des moyens de l’établissement. La commission qui l’administre aujourd’hui sous le nom de bureau de Charité, que j’ai l’honneur de présider, mue par ces motifs et dans la vue d’ accroître les revenus des pauvres par le produit de la vente de cette maison et dans l’intention de solliciter l’autorisation pour en faire l’aliénation. De son côté, la commune désire en faire l’acquisition pour se débarrasser des charges défavorables d’une location et se procurer un établissement stable. Elle n’en a pas à la vérité les fonds suffisants pour l’acheter au comptant mais elle proposerait au bureau de Charité de la lui céder moyennant une rente basée sur le prix de l’ estimation d’experts à ce dûment appelés. J’ai la certitude que le bureau se prêterait volontiers à des arrangements si des deux cotés les propositions sont agrées par l’ autorité. En conséquence, j’ai l’honneur de vous demander, Monsieur le Préfet, votre autorisation … » signé Champion maire.
Le sous-Préfet donna son avis favorable et, le 16 janvier 1820, le Préfet donna son autorisation.
Le 27 mai 1821, le maire de Précy écrit au sous-Préfet que : « la commune dont la population est d’environ 900 âmes est sans ecclésiastique depuis le 11 août 1820 qu’est décédé Mr Bombard, dernier curé et il paraît qu’elle n’en aura pas jusqu’à ce qu’elle se procure une maison et jardin convenables pour le loger. » Or, on envisage de louer pour cet usage une maison voisine de l’Eglise appartenant à Mr Toupie, chirurgien. « Enfin, au moyen des 175 Fr prévus au budget communal pour le logement du desservant, il s’est très convenablement logé – écrit le maire au sous-Préfet le 19 juillet 1824 – dans une maison bourgeoise derrière et près de l’Eglise appartenant au Sr Lacour, commissionnaire au Mont de Piété à Paris qui lui a fait un bail notarié. » (ADO série E).
Telle est l’histoire pieuse et mouvementée de l’Hôtel-Dieu de Précy