Qui d’entre nous n’a pas chanté, fredonné ou entendu chanter : » A la claire fontaine… j’ai trouvé l’eau si belle… » ? Eh oui !
C’est tellement poétique une fontaine qu’on s’y attarde volontiers en rêvant, en écoutant murmurer l’eau. C’est tellement évocateur que c’est un bonheur d’avoir ce trésor dans le village. Tout le monde ne l’apprécie pas pour autant surtout ceux qui ont le sommeil léger. Elle fait la joie des enfants tout joyeux d’y faire voguer leurs petits bateaux. L’autre jour, l’un d’eux y avait oublié son joli canard multicolore en plastique. Parfois des couples d’amoureux ou des romantiques y posent pour une photo souvenir d’ « Il y a longtemps que je t’aime… « . Il y a aussi plus étonnant. L’autre soir en rentrant tard chez moi, j’ai vu deux jeunes hommes que je connais bien qui s’amusaient, nus comme un ver, dans la fontaine débordante de mousse blanche. J’ai appris le lendemain que le système d’éclairage de la fontaine avait disparu. Oserait-on dire » volé » ? C’est sans doute pour qu’on ne les aperçoive plus dans la lumière des spots ?
Dans certaines situations, l’obscurité est évidemment préférable. J’ai vu aussi un vieux monsieur faire trempette et y laver ses pieds. J’en vois parfois qui boivent l’eau de la fontaine alors qu’un panneau signale que c’est de l’eau non potable. Peut-être ne savent-ils pas lire ? Il faut reconnaître qu’il y a de nos jours beaucoup d’illettrés et d’analphabètes. L’autre jour, c’est le coiffeur d’en face qui est accouru en criant à un randonneur qui se désaltérait à la fontaine : » Monsieur ! Monsieur ! c’est de l’eau non potable ! » L’intéressé a craché l’eau qu’il avait dans la bouche, a aussitôt enlevé sa chemise et s’est fait un brin de toilette en plongeant d’abord son abondante tignasse dans le bassin.
Pendant les grandes chaleurs de l’été, les oiseaux font des prouesses de voltige pour recueillir quelques gouttes du jet d’eau qui jaillit de la bouche des Bacchus qui ornent la fontaine. J’ai surpris une grosse dame qui baignait son chien dans le bassin. Elle avait les yeux revolver quand nos regards se sont croisés.
Sans doute était elle furieuse que j’aie découvert son audace ?
J’ai aperçu également un adolescent qui lavait sa moto boueuse avec l’eau de la fontaine. Un soir, des plaisantins ont vidé des poubelles de la place dans le bassin. Un autre soir, c’était un homme qui urinait abondamment dans la fontaine en exhibant ostensiblement ses bijoux de famille. C’est peut-être à cause de tout cela que l’on met périodiquement de la poudre de lessive dans la fontaine ? Les méchantes langues, – il en existe encore – prétendent que c’est pour que le personnel municipal ne reste pas à ne rien faire par moment ; qui oserait dire que c’est l’œuvre de délinquants ? Surtout pas ! On risquerait d’être qualifié d’intolérant.
Conclusion : » Tout cela était à prévoir » disent les anciens. Il faut se taire et payer ses impôts pour que la fontaine continue de nous charmer, de nous déranger ou de nous étonner.