RELIQUES ET RELIQUAIRES DE PRÉCY

Constantin et Ste Hélène


Dans son histoire de la première Croisade, Pierre de Nogent raconte comment Philippe de Précy s’était croisé sous Roger II, évêque de Beauvais (1095) qui s’enrôla avec un grand nombre de chevaliers tels que Renard de Beauvais, Dreux de Mouchy, Clérambaud de Vendeuil, Mathieu de Clermont, Walon de Chaumont, etc…
A son retour des croisades, Philippe de Précy rapporta plusieurs reliques parmi lesquelles un morceau de la Croix du Christ.
On sait qu’en 326, Sainte Hélène, mère de l’Empereur Constantin, avait découvert les reliques de la Passion du Christ. A partir de ce moment-là, un certain nombre de grands seigneurs, venus en pèlerins à Jérusalem, rapportèrent une relique en souvenir. Le fait n’était pas rare. Les reliques étaient à la mode.

Christ en croix

Ce fut le cas de Lancelin de Dammartin, Seigneur de Villers, qui en 1060 revint de pèlerinage à Jérusalem avec un carreau provenant du Saint Sépulcre. Depuis ce temps-là, Villers fut baptisé : « Villers Saint Sépulcre ».
On peut aisément deviner avec quel enthousiasme Philippe de Précy fut accueilli à son retour de Terre Sainte. On était friand de reliques sans se poser de questions au sujet de leur authenticité.
Alors que certaines reliques sont restées longtemps en la chapelle du château, celle de la Sainte Croix a toujours été vénérée en l’église et ceci dès le XIIIe siècle selon le chroniqueur.
C’est sans doute à la présence de cette relique que l’Eglise doit son titre de Collégiale puisque « la chapelle du grand autel était de Sainte Croix ».
Au XVIle siècle, la Duchesse de Montmorency-Luxembourg, châtelaine de Précy, offrit les reliques du château à l’église paroissiale. Le Cardinal Forbin Janson, évêque de Beauvais, les a « reconnues » — « sur témoignage des seigneurs de Précy et selon la tradition séculaire locale » (4 mai 1694).
Ceci ne donne pas pour autant la certitude absolue de l’authenticité de ces reliques. « Reconnaître » ne signifie pas « authentifier » et une certitude morale n’est jamais une certitude absolue.
Les archives paroissiales précisent que ces reliques étaient enfermées dans « deux boîtes en bois précieux, elles-mêmes encastrées dans des châsses d’argent doré, ornées de gemmes et d’émaux où figuraient les armoiries de Précy. »

1e reliquaire en bronze doré

A la Révolution Française de 1789, « ces souvenirs de la noblesse » furent jetés dans le feu de joie qu’on avait allumé dans le cimetière autour de l’Eglise. On y avait également brûlé les stalles et boiseries sur lesquelles étaient sculptées les armoiries des seigneurs de Précy.
Le chroniqueur ne dit pas que les châsses furent vendues mais cela semble évident.
« A la tombée de la nuit, le maître d’école alla voir le brasier et s’aperçut que les reliques n’avaient pas été touchées par le feu. Il les arracha au brasier et les garda chez lui jusqu’au retour du curé qui était retenu prisonnier au château de Chantilly. »
Un de ses successeurs, l’Abbé Robert, « aimant le beau », fit faire les reliquaires actuels (1830). Ils sont de style néo-gothique et faits en cuivre doré.
La relique de la Sainte Croix par contre a toujours été l’objet d’une vénération particulière et semble n’avoir jamais été inclue dans l’une des deux châsses précieuses contenant des fragments d’ossements des Saints Martyrs Vital, Clair, Evagre, Arator et Vincence.

Le cardinal Morlot

La relique de la Sainte Croix est minuscule et fut encastrée dans un petit reliquaire en vermeil poinçonné à la tête de sanglier. Une couronne d’épines en argent est sa seule ornementation. Elle rappelle la couronne d’épines qui entoure l’écu de Philippe de Précy, chevalier, sénéchal et gouverneur des frontières de Flandre, dont le sceau, apposé sur une quittance datée de 1317, est conservé aux Archives nationales. Pierre Gambier l’a reproduit dans son livret « Précy en Isle de France » (1953), page 35. Les seigneurs de Précy devaient être attachés à cet emblême de la Passion. Deux de leurs ancêtres s’étaient croisés : l’un à la première et l’autre à la sixième croisade.
A l’intérieur du couvercle en vermeil figure un Christ en croix avec à ses pieds Marie Madeleine à genoux.
Le 30 août 1861, le Cardinal François Nicolas Morlot, archevêque de Paris, fit « reconnaître » (recognovimus) cette relique de la Sainte Croix et y apposa son petit sceau (« sigilloque nostro minimo obsignavimus »).
Ce petit reliquaire est présenté entre deux disques de verre, dans un ostensoir du XVIIIe siècle représentant un soleil rayonnant qui surgit d’une gerbe de blé où s’entremêlent des grappes de raisin. La lunule est entourée d’un nuage avec quatre têtes d’anges. Le noeud est lui aussi une composition autour de deux têtes d’angelots. Le pied comporte des décorations autour d’un triangle, symbole du Dieu Trinitaire. Le tout repose sur quatre pattes griffées.
Encore maintenant, chaque année, le jour du Vendredi Saint, anniversaire de la mort du Christ, cette relique est proposée à la vénération des Chrétiens de Précy.