GENS DE LETTRES À PRÉCY-SUR-OISE

MontaigneRonsardAu cours des siècles, Précy a eu des visiteurs illustres. Le roi Charles VI n'est-il pas venu lui-même en personne, tenir le fils de Philippe de Précy, sur les fonts baptismaux ?.
Ronsard et Montaigne sont descendus au château et le Duc d'Enghien y trouva refuge. Mais c'est sans doute le XIXème siècle qui nous fournit le plus de renseignements. Précy semble à ce moment là avoir été un lieu privilégié où la qualité de vie attirait les bourgeois et les artistes de Paris.
L'un d'eux écrit en 1853 :
« Savez vous qu'il est sur terre / Un lieu que le ciel révère, / Un lieu des hommes chéri / Au bord de l'Oise, fleuri ? ...
Dans ce pays, Dieu lui-même, / De son Paradis qu'Il aime / Descendrait, je gage, aussi, / Pour y vivre sans souci ; / Et vous devinez vous-même / Que ce pays : c'est Précy "
 
Sainte BeuveC'est ainsi que Précy fut pendant quelques années un lieu de repos et de villégiature très aimé par Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869), écrivain et fameux critique littéraire du XIXème siècle français. Celui-ci vint régulièrement y retrouver son ami Viguier, ancien inspecteur général de l'Université, qui mourut à Précy en 1867.
On sait par ailleurs que Madame Pellegrin - de son nom de jeune fille, Marie-Alexandrine Laureau - l'accueillait en 1832 en sa propriété « Le Clos » sise dans l'actuelle rue Gaston Wateau à Précy.
En 1834, la fille de Madame Pellegrin, âgée de 19 ans et demi, épousa Alexandre Gaillard, inspecteur général des Etudes, demeurant à Paris n°20 rue de Vaugirard. Leur fils Gaston Gaillard, né à Paris le 21 juin 1839, fut baptisé à Précy, le 3 septembre 1839. La marraine qui signe « M.A. Laureau », n'était autre que sa grand-mère maternelle, Madame veuve Pellegrin. Le parrain était Maître Auguste-Louis Gaillard demeurant à Lyon. Alexandrine-Pétronille, dame Gaston Gaillard, mourut à Précy, munie des sacrements de l'Eglise, et fut inhumée au cimetière de Précy le 10 septembre 1876. Elle avait 71 ans.
Sainte-Beuve, qui était resté très lié à Maître Gaillard son ancien professeur au Collège Bourbon trouva ainsi une raison de plus de venir à Précy. Entre temps, Madame Pellegrin, devenue belle-mère de Gaillard, reçut Sainte-Beuve et se lia d'amitié avec Madame Sainte-Beuve mère.
Le closUn jour que la fille de Madame Pellegrin se trouvait à Précy en même temps que Sainte-Beuve, elle le pria de lui rimer une épitaphe. Sainte-Beuve lui fit un sonnet, le premier d'une longue série de poésies de vers composés à Précy, qui forment une grande partie de son recueil des « Pensées d'août », publiées en 1837 à Paris. Le recueil commence par le poème dédié à Alexandrine-Pétronille Gaillard-Pellegrin.
Pensée d'août
« Assis sur le versant des coteaux modérés
D'où l'œil domine l'Oise et s'étend sur les prés ;
Avant le soir, après la chaleur trop brûlante,
A cette heure d'été déjà plus tiède et lente ;
Au doux chant, mais déjà moins nombreux des oiseaux
En bas voyant glisser si paisibles les eaux,
Et la plaine brillante avec des places d'ombres,
Et les seuls peupliers coupant de rideaux sombres,
L'intervalle riant, les marais embellis
Qui vont vers Gouvieux finir au bois du Lys... »

C'est à Précy que Sainte-Beuve rédigea « Les causeries du Lundi ». En 1835, il emportait tous ses livres et notes sur Port-Royal pour y travailler à Précy dans le calme poétique de la demeure du Clos où il avait sa chambre attitrée. Il rentrait tous les quinze jours à Paris faire provision de textes, livres et revues sur Port-Royal. Son « Port-Royal », un véritable monument, sera l'œuvre de presque toute une vie de recherches. Bien des chapitres ont été rédigés à Précy.
Alfred de VignyAlfred de mussetC'est encore chez Madame Pellegrin, qui aimait les salons littéraires, que Sainte-Beuve rencontra Alfred de Vigny qu'il devait critiquer sournoisement dans la « Revue des deux Mondes » et dans ses « Portraits Contemporains ». Le poète prit alors ses distances avec lui. Malgré cela, les poètes Alfred de Vigny et Alfred de Musset se sont plusieurs fois retrouvés avec Sainte-Beuve chez Madame Pellegrin. Ils aimaient flâner dans le village et le long des berges de l'Oise. L'église du village n'avait pas de secret pour eux. Le pieux Alfred de Vigny, à la réputation de conservateur religieux, aimait s'y recueillir malgré ses aventures amoureuses. Sainte-Beuve par contre y venait plutôt en touriste, curieux d'histoire locale. Le tonnelier, habitant la « rue pavée » en face de l'église, l'a vu maintes fois en conversation animée avec le curé d'alors, l'abbé Decaux.
Les gravures de l'époque le représentent comme un homme bedonnant, de taille moyenne, les yeux fouineurs et la mine bonasse. Il porte une redingote noire et un nœud papillon de même couleur, un gilet marron dans le gousset duquel plonge l'extrémité d'un lacet noir qui descend du cou et retient sans doute son monocle.
dessin Sand par MussetLes anciens du pays racontent que l'œil-de-bœuf de la maison du Clos donnant sur le clocher de l'église est celui d'où le poète Alfred de Musset vit « la lune comme un point sur un i » sur le clocher de Précy endormi.
Alfred de Musset revint à Précy en compagnie de George Sand.

Celle-ci a connu Sainte-Beuve en janvier 1833. C'est au cours d'un dîner, probablement un soir du mois de juin 1833, que Sainte-Beuve avait organisé pour réunir ses collaborateurs de la « Revue des deux-Mondes », qu'Alfred de Musset et George Sand, tous deux associés à la Revue, se sont trouvés placés l'un auprès de l'autre. On sait que George Sand avait fait de Sainte-Beuve son « confident » qu'elle appelle aussi son « confesseur ». Elle lui avait écrit qu'elle ne voulait pas de Musset pour succéder à Jules Sandeau comme rédacteur à la Revue, mais il fut avec elle « spirituel et charmant comme il savait l'être ». A la fin de la soirée, ils étaient amis. Ils s'écrivirent. Ils se revirent. L'amitié devint amour fougueux. Tout porte à croire que le passage de George Sand avec Alfred Musset à Précy s'explique dans le contexte des séjours de Sainte-Beuve dans le domaine du Clos. Quand la grande amoureuse infidèle trahit le poète, celui-ci révéla dans son poème le « Souvenir » quel trésor de bonheur recèle un amour détruit. Il dira que la Muse, plus fidèle qu'une femme, est la seule qui compte désormais à ses yeux. En souvenir de cet événement, Précy a baptisé son école maternelle : « Ecole George Sand ».
Jules SandeauL'écrivain anglais, Robert-Louis Stevenson vint lui-aussi à Précy. Il aimait beaucoup voyager. En 1876, il fit, en canoë, par l'Escaut, le canal de Willebroecke, la Sambre et l'Oise, un voyage d'Anvers à Paris. C'est ainsi qu'après la visite de Noyon, Compiègne, Pont-Sainte-Maxence et Creil, il débarqua un beau soir d'été à Précy dont la petite plage avait alors une certaine renommée dans la région.
Il écrit : « Nous sommes arrivés à Précy au coucher du soleil. La plaine est semée de nombreuses touffes de peupliers. Dans une courbe sauvage et lumineuse, l'Oise coule sous le flanc de la colline. Un faible brouillard se levait et confondait les différentes distances. On n'entendait pas un son, sauf celui des clochettes des moutons dans quelques prairies près de la rivière et le craquement d'un chariot le long de la route qui descend de la colline. Les villas dans leurs jardins, les boutiques le long de la rue, tout semblait avoir été déserté la veille et je me sentais porté dans une forêt silencieuse.
Tout à coup nous tournâmes un coin de rue et nous aperçumes devant nous une petite place gazonnée autour de l'église, où un essaim de jeunes filles vêtues à la mode de Paris jouaient au croquet. Leurs rires et le bruit mat de la balle sous le maillet créaient une joyeuse animation dans le voisinage ; l'allure de ces silhouettes élancées, corsetées et enrubannées produisait dans nos coeurs un trouble proportionné au charme du tableau.
RL StevensonNous respirions, semblait-il, l'atmosphère de Paris. Ici il y avait des femmes de notre monde, jouant au croquet, comme si Précy faisait partie de notre vie réelle au lieu de ne constituer qu'une scène dans la féerie de notre voyage. Après n'avoir vu partout ailleurs qu'une succession de paysannes, femmes en jupon et bêchant et sarclant et cuisinant, cette troupe de coquettes sous les ormes mettait une note nouvelle et surprenante au paysage ».
Aujourd'hui, le centre du bourg a été réaménagé, mais les urbanistes ont su conserver le caractère champêtre et poétique du site. Une fontaine qui chante dans le silence des nuits d'été, des réverbères et lanternes romantiques sur crosse, et les vieux pavés judicieusement choisis, baignent dans le parfum qu'exhalent les tilleuls de la place. Une cinquantaine de pigeons tournoient dans le ciel autour du clocher qui abrite une effraie blanche au vol majestueux. Pour qui sait ouvrir les yeux et savourer ce qui est simple et beau, Précy reste encore un petit coin privilégié.

Cet article sur les gens de lettres à Précy a été publié par le GEMOB (Groupement d'Etudes des Oeuvres d'Art de l'Oise et du Beauvaisis), dans un de ses bulletins consacrés à l'histoire de notre région.

 

 

Précy au XIXème Siècle    


George SandEvoquer le séjour de Sainte-Beuve et le passage de George Sand à Précy, c'est aussi évoquer le Précy du 19ème Siècle.
A cette époque, Précy comptait environ 800 habitants. Les lendemains de la Révolution et les bouleversements politiques et gouvernementales se succédaient rapidement. Louis-Philippe venait de rétablir la Monarchie (1830-1848). Une fièvre de construire s'empara des couches populaires. Les habitants de Précy se servaient des grandes pierres du Château pillé et abandonné pour construire leurs maisons comme celles derrière l'église (n° 21 et 23) ou la boulangerie dans l'actuelle rue Charles des Gaulle.
Les grilles et le promontoire du Château Vénèque n'existaient pas encore. L'orangerie avait complètement disparu. L'église était alors entourée de son cimetière qui sera en 1851 transféré sur la route de Neuilly. Le clocher était resté décapité depuis que les révolutionnaires l'avaient éventré pour s'emparer des cloches et les précipiter dans la pelouse du cimetière.
On venait tout juste de blanchir l'église et de remplacer les autels brisés à la Terreur. A cette époque, le Maire n'est pas élu mais nommé par le Préfet.
Le train ne traversait pas encore le département.
Hotel St EloiLa gare était donc inexistante. L'endroit s'appelait le « DÉBARCADERE ». On y prenait le bac pour la traversée de l'Oise ou pour prendre un bateau. La plupart des gens se déplaçaient en carriole ou en charrette. Quelques familles ont une calèche et une quinzaine possèdent un landau.
Au Débarcadère et à l'Hôtel Saint Eloy (rue du Château), on peut louer un fiacre. La nuit, les rues ne sont pas éclairées. La plupart sont pavées. Il n'y a pas d'eau, de gaz ni d' électricité.
Les maisons ont un puits avec pompe.
La vie rurale est prédominante. Les vignerons sont très nombreux. Les coteaux de Précy à Boran sont drapés de vignes. Presque chaque maison a sa vigne. Les cultivateurs labourent leurs champs avec des bœufs. Quelques-uns ont des chevaux. Les troupeaux de moutons sont nombreux et importants ; quatre d'entre eux comptent environ 200 brebis. L'image champêtre des troupeaux bêlants, partant chaque matin et rentrant au coucher du soleil donnait une note poétique au village. Le soir la dizaine de cafés étaient bondés d'ouvriers agricoles qui jouaient aux cartes en fumant la pipe et dégustant le petit vin blanc du pays.
C'est dans ce cadre champêtre qu'il faut situer le venue de Sainte-Beuve et George Sand à Précy.

Eugène DeveriaMadame PELLEGRIN et le peintre DEVÉRIA


On connaît l'aventure d'Adèle, femme de Victor HUGO, avec Charles de SAINTE-BEUVE. Ce dernier prit part en fin septembre 1829 à la lecture d' HERNANI chez Victor HUGO, rue Notre-Dame des Champs à Paris.
Parmi les invités on signale : BALZAC, MUSSET, VIGNY, DUMAS, Madame PELEGRIN de Précy et le peintre Eugène DEVÉRIA (1805-1865) qui était voisin de Victor HUGO à Paris.
HernaniPlusieurs tableaux de DEVÉRIA figuraient en bonne place dans l'appartement de Victor HUGO. On y parlait de son art et du succès obtenu au salon de 1827 avec son tableau : « Naissance d'Henri IV ».
La maison de DEVÉRIA devint alors très vite l'un des principaux foyers du romantisme : « Le rendez-vous de tous les talents et de toutes les élégances du monde romantique, artistes et écrivains confondus. »
DEVÉRIA était connu pour être un excellent portraitiste. Il avait tiré le portrait du roi Louis-Philippe Ier, de Madame Adélaïde - sœur du roi, du duc de Joinville, d'Abel HUGO - frère de Victor HUGO, de BALZAC, de Théophile GAUTIER, etc.
Il avait collaboré à l'illustration de MAUPRAT de George SAND. Pas étonnant qu'il fût un jour l'hôte de Madame  PELEGRIN à Précy où elle le reçut au Clos, accompagné par SAINTE-BEUVE.
Elle se rendit par la suite plusieurs fois « au vaste atelier de DEVÉRIA, rue de l'ouest » pour se faire tirer son portrait. On peut se demander de qui et de quoi ils ont bien pu s'entretenir.

SAINTE BEUVE A PRÉCY

Sainte Beuve
Dans l'extraordinaire galerie des écrivains du 19ème siècle, Sainte Beuve incarne le personnage du solitaire triste, non expansif, sans lyrisme, l'ami des livres et des textes, peut-être ses seuls amis véritables.
Petit homme toujours coiffé d'une calotte noire, l'air malicieux et chafoin, tel est son portrait fixé par l'objectif de Nadar.
Admirateur de Victor Hugo dont la femme Adèle devint pendant quelques années sa maîtresse, Sainte Beuve a vécu à une époque où " la vie intérieure " n'avait que peu d'adeptes, tellement la religion laïque avait bousculé les mentalités depuis la sortie de la Révolution et la Terreur.
Toute sa vie l'a pour ainsi dire conditionné.
Le ClosNé à Boulogne sur mer le 23 Décembre 1804 dans une famille bourgeoise Picarde, ayant abandonné la particule nobiliaire qui lui avait été accordée au 18ème siècle, Charles Augustin Sainte Beuve grandit entre sa mère et sa tante, femmes pieuses qui entretenaient sans faillir le souvenir du père décédé quelques semaines avant sa naissance. Ces années empreintes de tristesse prennent fin lorsqu'à quatorze ans il arrive à Paris où il poursuit des études classiques. On l'a dit élève studieux, appliqué, brillant, précoce, très tôt lecteur passionné de Chateaubriand et de Lamartine. A vingt ans il publie ses premiers articles de critique littéraire dans " Le Globe ", l'organe militant du mouvement romantique littéraire. Son enthousiasme et son talent lui vaudront d'intégrer " Le Cénacle " où il est dans la mouvance de Victor Hugo. Il n'écrira qu'un seul roman : " Volupté " marqué par l'amitié et l'attachement qu'il éprouvait pour l'Abbé de Lamenais qu'un Pape souhaita faire cardinal et que le successeur condamna. Le prophétique Lamenais qui voulait ancrer l'Église dans la modernité, avait une liberté de pensée qui forçait l'admiration tant elle était nuancée. Il refusa le Concordat de 1801 qui fait du Clergé un corps de fonctionnaires soumis à l'État indifférent en matière de religion.
Il préconise la séparation de l'Église et de l'État. L'Épiscopat Français était alors majoritairement Gallican et finit par avoir sa peau. Quand on est jeune, on a souvent tort d'avoir raison trop tôt. En 1833, il écrira : " J'ai cherché uniquement le triomphe de la vérité... Mes combats pour l'Église sont finis. D'autres pourront les défendre avec plus de talent et plus de bonheur, mais non pas avec plus de Conscience. "
Marcel ProustGustave flaubertCette fidélité aux droits de la conscience fascinait Sainte Beuve. En octobre 1837 et juin 1838, suite à sa rupture avec Victor Hugo, on le retrouve à Lausanne où il donne une série de conférences sur l'Histoire de Port-Royal, qui seront à l'origine de cette oeuvre monumentale qu'il rédigera en grande partie à Précy, à la maison " Le Clos " où il avait ramené les divers éléments et matériaux pour travailler dans le silence et la poésie de cette belle demeure où tout porte au recueillement.
Il avoue travailler quinze heures par jour et ne pas voir passer le temps. Il est tellement passionné par le sujet qu'il n'a de goût pour rien d'autre. Sainte Beuve connaissait assez l'âme humaine pour savoir que ce n'est pas parce qu'on se met à genoux devant un crucifix qu'on est chrétien. En fréquentant les Jansénistes : Saint Cyran, Arnauld, Nicole et surtout Monsieur Hamon aux pieds duquel Racine souhaitait être enterré, Sainte Beuve prend le goût de l'austère et surtout du perpétuel examen de conscience. Son admiration pour les solitaires de Port-Royal et en particulier pour Pascal qui écrit que "  la Foi se cultive à genoux ", expliquent en grande partie sa quête de lucidité et de simplicité.
C'est d'eux qu'il tient cette grammaire du simple, épicentre d'une expression spirituelle de soi dont se souviendront plus tard, Mauriac, Cababis, Léautaud et tant d'autres.
Marcel Proust avouait l'avoir hypocritement dédaigné alors qu'il le dévorait en cachette. Cet homme aimait les livres, avait ignoré Stendhal, critiqué vertement de Vigny, Balzac, Flaubert...
Pourtant quand à 65 ans il meurt à Paris en 1869, Flaubert écrit : " Avec qui causer de littérature maintenant ? Celui-là l'aimait... Tout ce qui en France tient une plume, fait en lui une perte irréparable ".

Les causeries du Lundi
ÉVOCATION HISTORIQUE

Présentation :
A partir d’une évocation historique des « causeries du lundi » de Sainte-Beuve, rédigée par l’abbé Carlos Speybroeck, curé de Précy, un conseiller municipal de Précy, Jean-Eric Bajolle a voulu organiser avec son fils Emmanuel un Festival des Romantiques.
Après moult emprunts et remaniements, il a rédigé une pièce de théatre intitulée « les causeries de Précy ».
Pièce écrite le 5 août 2004 en vue d'une évocation historique, aux journées du Patrimoine, pour le bicentenaire de George Sand et Sainte-Beuve.

 

Lieu : A la tombée de la nuit, au pied du petit portail Renaissance de l'église de Précy.
- Prévoir des chaises dans la pelouse devant l'église.
- Prévoir aussi de la musique de Frédéric Chopin au début et à la fin.

Le veilleur de nuit de la commune, revêtu de sa grande cape noire et de son chapeau, un bâton à la main gauche et une lanterne allumée dans la main droite, accueille les gens. 

L'église facade nordVeilleur :
- Bonsoir, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Venez, venez, approchez, vous tous qui vous intéressez à votre patrimoine local, que je vous raconte ce qui s'est passé en la belle demeure historique du Clos, derrière notre église, là où on a apposé une plaque commémorative où l'on peut lire que l'écrivain Sainte-Beuve a écrit les Contes du Lundi et où Madame Pellegrin, la propriétaire a reçu George Sand et Alfred de Musset. Ce dernier y a composé sa " Ballade à la lune ". Les anciens d'aujourd'hui se souviennent sans doute qu'on y a tourné le film " Patte de Velours " avec Arditi, Bernadette Lafont et Michel Bouquet. Ce jour-là, on y a volé une commode estampillée qui avait appartenu à Madame de Pompadour, la maîtresse de Louis XV, ainsi qu'une magnifique paire de flambeaux en argent massif du célèbre orfèvre-ciseleur parisien Hugo. La propriétaire était alors Madame Cavalière, une George Sand en miniature, qui élevait des poneys et gardait des chevaux de course. On la voyait parfois à cheval dans Précy ou dans les environs. Son mari était comédien à Paris. Il s'appelait Jean Lefèvre. Pendant les vacances d'été, ils organisaient une réception au Clos et dans le grand salon aux singeries, ils jouaient une pièce de théâtre. Ils y invitaient quelques amis, des voisins et des notables de Précy. Une année le fils aîné a joué du violon, accompagné par sa soeur au piano. C'était de la musique de Chopin : " en souvenir de l'idylle de George Sand avec Chopin " disait Madame Cavalière. Ces réceptions d'été étaient sa manière à elle de continuer à évoquer le salon littéraire du XIX° siècle avec Madame Pellegrin.
Mais que vois-je ? C'est Madame Pellegrin en personne qui vient à notre rencontre !

Madame Pellegrin, habillée en bourgeoise du XIX° siècle, arrive de par-derrière l'église, avec son parapluie et son sac à main. 

Veilleur :
- Bonsoir, Madame. Quelle surprise de vous voir ici ce soir !
Frédéric ChopinPellegrin ( Madame) :
- Oh, non, ce n'est pas une surprise. C'est une habitude. J'aime bien la brise du soir pour venir me recueillir sur la tombe de mes ancêtres et de flâner un peu autour de l'église et de son cimetière.
Veilleur :
Honoré de Balzac- Tiens, je profite que vous soyez là pour vous demander si c'est vrai que l'écrivain Sainte-Beuve a sa chambre attitrée chez vous au Clos.
Pellegrin :
- Mais, bien sûr, cher Monsieur. Vous comprenez, mon gendre, Maître Gaillard, inspecteur général des Études à Paris, a eu Sainte-Beuve comme élève, au Collège Bourbon. C'est ainsi que je l'ai invité un jour pour revoir son ancien professeur. Vous connaissez sans doute la suite. Charles Sainte-Beuve est tombé amoureux de ma maison et de fil en aiguille il est venu rédiger son fameux " Port-Royal " chez moi dans la chambre mansardée donnant sur le clocher de l'église. Il travaille quinze heures par jour et ne voit pas passer le temps. Il est tellement passionné par son histoire de Port-Royal qu'il n'a pour ainsi dire de goût pour rien d'autre. A part cela nous avons quand même des goûters littéraires et des réunions avec des amis et tous ces gens de lettres qu'il fréquente en tant que Critique Littéraire.
Vous avez peut-être lu de ces articles où il critique Balzac, Flaubert ou de Vigny ?
Veilleur :
- Malheureusement, non, Madame, je ne suis pas assez instruit pour cela. Vous savez ici en campagne, l'école est surtout pour ceux qui ont les moyens. Il y a bien l'écolâtre du curé qui réunit un bon nombre d'enfants quand les parents ne les retiennent pas pour les travaux dans les champs, pour biner les betteraves, faire la moisson, ramasser les pommes de terre ou cueillir les fruits. Même l'hiver où les enfants sont plus nombreux à l'école, il y en a tout de même que les parents envoient faire des fagots de bois mort dans les bois des environs ou en forêt de Chantilly.
Pellegrin :
- C'est vrai, cher ami, mon gendre me l'a déjà répété maintes fois. Il faudrait que les députés votent une loi pour que l'école devienne obligatoire. Ce serait le meilleur moyen pour assurer de l'instruction à nos jeunes concitoyens. Mon ami Viguier, ancien inspecteur général de l'Université de Paris qui vient régulièrement chez moi, s'entretient souvent de ce sujet avec son ami Sainte-Beuve et mon gendre Maître Gaillard. Il faut espérer que leurs projets et propositions aboutiront un jour !
Veilleur :
Foret de Chantilly- Puis-je vous poser une autre question qui me brûle les lèvres mais qui est peut-être de l'indiscrétion de ma part. Vous me répondrez si vous le désirez. Est-ce vrai que Monsieur de Sainte-Beuve s'est fâché avec Victor Hugo ?
Pellegrin :
- Malheureusement, oui, Monsieur. Cette rupture avec Victor Hugo est à mon avis due à cette exigence de fidélité aux droits de la Conscience qui le fascinait dans la personne de l'Abbé de Lamenais qui voulait ancrer l'Église dans la modernité mais ne rencontra qu'incompréhension auprès des grands bourgeois. Sainte-Beuve admirait sa liberté de pensée et son courage pour refuser le Concordat de 1801.Vous savez que l'épiscopat Français était alors majoritairement Gallican et finit par avoir sa peau. Quand je pense qu'un Pape l'admirait au point de vouloir le nommer Cardinal et que son successeur le condamna ! L'Histoire l'a souvent démontré : on a toujours tort d'avoir raison trop tôt !
Victor HugoVeilleur :
- Est-ce vrai, Madame Pellegrin, que lorsque la Cour chassait en forêt de Chantilly les nobles confiaient leurs enfants à la maison de Précy c'est-à-dire au Clos qui faisait partie du Château ?
Pellegrin :
- Oui. C'est ce que l'on prétend, tout comme on dit que Ronsard et Montaigne sont descendus au château pour rencontrer le fils naturel du roi François ler, le Seigneur Louis de Saint Gelais, dont on voit les armoiries dans la tour hexagonale du château.

Arrivée de Sainte-Beuve en redingote avec calotte-béret et canne à la main. 


Pellegrin :
- Mais, voilà mon invité ! Monsieur Sainte-Beuve ! Qu'est-ce qui vous fait quitter votre table de travail ?
Sainte-Beuve :
- Ma chère Madame, la chaleur de la journée me donne droit à une promenade à la fraîcheur du soir. Je voulais aussi vous faire part du sonnet que j'ai écrit pour votre charmante Alexandrine- Pétronille. Permettez que je vous en donne la primeur :

Pensée d'Août.

" Assis sur le versant des coteaux modérés
D'où l'œil domine l'Oise et s'étend sur les prés ;
Avant le soir, après la chaleur trop brûlante,
A cette heure d'été déjà plus tiède et lente ;
Au doux chant, mais moins nombreux des oiseaux,
Et la plaine brillante avec des places d'ombres,
RaphaelEt les seuls peupliers coupant de rideaux sombres,
L'intervalle riant, les marais embellis,
Qui vont vers Gouvieux finir au bois du Lys..
Et plus loin, par-delà prairie et moisson mûre
Et tout ce gai damier de glèbe et de verdure,
Le sommet éclairé qui borne le regard
Et qu'après deux mille ans on dit CAMP de CÉSAR,
Comme si ce grand nom que toute foule adore
Jusqu'au vallon de paix devait régner encore !...
M'asseyant là, moi-même à l'âge où mon soleil,
Où le flot qui poussait s'arrête et se partage..
Dans ce frais pavillon au volet entrouvert,
Où la lune en glissant dans la lampe se perd,
Devant ce Spasimo * comme une autre lumière,
Dont la paroi du fond s'éclaire tout entière,
Près des rayons de cèdre où brillent à leur rang
Le poète d'hier aisément inspirant..
Devant ces vers du maître harmonieux et sage,
Devant ce Raphaël et sa sublime page,
Au plus fuyant rayon où s'égarait ton vol,
Dis-toi bien : tout ce beau n'est que faste et scandale
Si j'hésite, et si l'ombre à l'action s'égale
Vous dont j'ai là trahi le malheur ! Oh ! Pardon
Ami, vous n'avez rien que d'honnête et de bon,
Et de grand en motif au but qui vous oppresse,
Au fantôme, il est temps, cessez toute caresse
Rejoignez, s'il se peut, à des efforts moins hauts
Quelque prochain devoir qui tire fruit des maux,
Et d'où l'amour de tous redescende et vous gagne,
Afin que, revenant au soir parla campagne,
Sans faux éclair au front et sans leurre étranger,
Il vous soit doux de voir les blés qu'on va charger
Et chaque moissonneur sur sa gerbe complète;
Et là-haut, pour lointain l'âme satisfaite,
Au sommet du coteau dont on suit le penchant,
Les arbres détachés dans le clair du couchant. "
Ch Sainte-Beuve
composé à Précy devant la gravure de Raphaël dans la chambre mansardée du Clos

*Spasimo : La gravure d'un tableau de Raphaël qui porte ce nom.

 Causeries curé

Applaudissements par la foule.
Puis la petite porte de l'église s'ouvre et le curé de la paroisse apparaît en soutane, le chapeau à la main. 


Veilleur :
- Monsieur le Curé ! Quelle surprise ! Que faisiez-vous donc à cette heure tardive en votre église ?
Le Curé :
- C'est très simple. Tous les soirs je viens prier et me recueillir un moment. Prier c'est aimer. Je prie pour mes paroissiens dont j'ai charge d'âme. Ce sont vos applaudissements qui m'ont intrigué et fait sortir. Si je comprends bien vous êtes en bonne compagnie avec Monsieur Sainte-Beuve avec qui j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir longuement, n'est-ce pas Monsieur Sainte-Beuve ?
Sainte-Beuve :
- Exact, Monsieur le Curé, et il m'est toujours un honneur de profiter de votre érudition. A propos, l'autre jour, vous me disiez que l'écu, placé là-haut sur la façade, - (indiquer l'écu avec le doigt pointé dans sa direction) - rappelle que les Anglais avaient mis le feu à l'église à l'époque de la guerre de Cent Ans et que Louis de Saint Gelais, fils naturel du roi François ler, a fait reconstruire une partie de l'église au XVI° siècle. Ce qui explique donc l'écu de Louis de Saint Gelais.
Mais comment se fait-il qu'il y ait là une colonne du XIIIe siècle qui se balade toute seule sur la façade ?
Le Curé :
ecu sur eglise- C'est que l'église était autrefois très importante. Elle avait cinq nefs. Louis de Saint Gelais n'a fait reconstruire que la nef principale et les deux nefs latérales, mais du temps que l'église avait le titre de Collégiale, elle était beaucoup plus spacieuse, puisque le choeur abritait le monument funéraire du Seigneur Philippe de Précy, représenté grandeur nature en Chevalier Croisé gisant, arborant son écu et son épée. Tout autour il y avait des stalles pour que le Collège des Chanoines puisse y prendre place pour chanter l'office.
Sainte-Beuve :
- Si je comprends bien, il n'y a pas que le vandalisme révolutionnaire qui a abîmé l'église, elle avait déjà été amputée pendant les guerres de religion.
Le Curé :
- Bien sûr, bien sûr, il suffit de lever les yeux et vous apercevrez tout de suite que les deux premières fenêtres du haut sont différentes des autres. C'est celles du choeur qui n'avaient pas été touchées par l'incendie. Heureusement encore, car ainsi nous avons pu garder la belle rosace qui est la seule rose gothique à onze lobes, connue au monde.
Sainte-Beuve :
- Est-ce que vous espérez obtenir la restauration de votre église ? Car dans l'état où je la vois avec son clocher amputé du haut, elle risque de s'abîmer encore davantage.
Le Curé :
George Sand- On est en pourparler avec Monsieur Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, qui a des projets de restauration avec l'architecte Viollet le Duc qui a soumis un dossier comprenant entre autres un petit portail Renaissance et la restauration ou plutôt une nouvelle grande porte avec des serviettes sculptées. Cela m'a tout l'air d'être en bonne voie de réalisation. Le château lui aussi bénéficierait d'une restauration avec un remaniement et des arrangements comme Viollet le Duc a l'habitude de faire.

On entend le bruit d'un attelage-carrosse qui amène par-derrière l'église George Sand et Alfred de Musset. Le carrosse s'arrête pour stationner au coin du petit sentier menant à l'église sur la façade nord. George Sand descend, le cocher lui prend la main. Alfred de Musset emboîte le pas. Ils viennent à la rencontre de Madame Pellegrin et ses interlocuteurs au pied de l'église. (Salutations, embrassades et baisemain.) 


Pellegrin (Madame) :
- Quel bonheur de vous voir chère amie. Je n'espérais plus votre visite vu l'heure tardive, surtout que vous m'aviez dit que vous n'étiez pas sûre de pouvoir arriver ce soir, que ce serait plutôt demain matin. Alors je me suis dit, je fais ma petite promenade ce qui explique ma présence ici.
George Sand :
Alfred de Musset- Oui, chère amie, nous sommes allés jusqu'au Clos et on nous a dit que vous étiez partie faire une petite promenade au cimetière. Je me suis permis d'emmener avec moi Monsieur de Musset qui ne vous est pas inconnu puisqu'il a déjà été reçu chez vous. Il vous apporte d'ailleurs une surprise.
Pellegrin :
- Bien sûr que je connais Monsieur de Musset. Monsieur de Sainte-Beuve, qu'on prétend être votre " confesseur " selon vos propres dires, doit être ravi de vous revoir en bonne compagnie. Et quelle est cette surprise que vous m'apportez Monsieur de Musset ? Vous piquez ma curiosité !
A.de Musset : (qui enlève son chapeau haut-de-forme)
- Eh bien, Madame, ce n'est rien d'autre qu'un poème intitulé " Ballade à la lune ". Je l'ai composé chez vous dans la chambre mansardée, un soir de pleine lune, où je voyais la lune comme un point sur uni sur le clocher de Précy. J'étais assis devant le petit secrétaire au-dessus duquel figure la belle gravure de Raphaël. Si vous voulez, je vous le lis!
Pellegrin :
- Volontiers ! Volontiers ! on vous écoute.

Alfred de Musset sort la feuille de son cartable et lit "La Ballade à la lune". A la fin du poème: applaudissements. 


MaillolPellegrin :
- Venez chers amis je vous invite à boire le verre de l'amitié
Puis Madame Pellegrin prie alors ses invités de l'accompagner derrière l'église pour un verre de l'amitié où l'on peut évoquer d'autres souvenirs du Clos comme le séjour des Pastor avec le statuaire " Maillol " qu'il avait réalisé dans le parc du Clos, ou la visite de Jean Marais, compagnon de Cocteau, avec des artistes potiers, ou le départ tragique et mouvementé de Madame Chambord et tant d'autres souvenirs pittoresques liés à la demeure historique du Clos.

Deux tableaux restent à insérer dans « Les Causeries de Précy » :

Tableau n°1 : La dentellière

On sonne.    
Pellegrin (Madame) :
-    Marie, on a sonné. Va ouvrir s'il te plaît.
(La soubrette va ouvrir et revient.)   
La soubrette :
-    C'est la dentellière, Madame, elle vous apporte le travail que vous lui avez commandé.
Pellegrin (Madame) :
-    Qu'elle entre. Faites entrer Marie
La dentellière entre.    
Pellegrin (Madame) :
-    Quelle bonne nouvelle Madame Bachevilliers ! Auriez-vous déjà fini la mantille, le col châle et les mouchoirs que je vous ai commandés ?
Honorine Bachevilliers (Madame) :
-    Pas exactement, Madame, mais je voulais vous montrer un des mouchoirs que j'ai fini pour bien m'assurer que c'est ce genre de travail que vous désirez pour le reste.
Pellegrin (Madame) :
- Montrez-moi cela, ma chère Honorine.
Honorine Bachevilliers sort la dentelle de son panier et la montre à madame Pellegrin. George Sand qui se trouve à côté, s'exclame toute étonnée :
George Sand :
- Quelle merveille ! Quel beau travail ! J'ignorais que vous aviez une dentellière si qualifiée à Précy ! Vous en avez de la chance. Dans ma région cela n'existe pas. Il faut aller à Paris ou en Normandie à Alençon ou ses environs pour trouver quelque chose du même genre.
Pellegrin (Madame) :
- Nous n'avons pas qu'une, mais huit dentellières à Précy. Elles travaillent à domicile pour la Maison Moreau de Chantilly, qui est connue pour ses dentelles noires. Chaque semaine un commis de la Maison Moreau fait la collecte des dentelles auprès des multiples dentellières de la région de Chantilly. Cela ne les empêche pas pour autant d'avoir une clientèle personnelle parmi les notables et bourgeois de Précy.

Tableau n°1 : Le berger

On entend au loin les clochettes et la corne d'un berger avec son troupeau de moutons.
Il fait halte à l'entrée du parc, s'annonce et avance vers Marie, la soubrette qui vient à sa rencontre avec un pot à lait et sa corbeille au bras.
Le berger demande à la soubrette :
- Avec quoi puis-je faire plaisir à Madame, aujourd'hui ? Je me permets de vous recommander mes petits fromages de chèvres. Ils sont tout frais.
Marie :
- Madame voudrait une douzaine d'œufs, deux litres de lait et quatre petits fromages, s'il vous plaît.
Le berger :
- A la bonne heure ! Voici les fromages.
Il les dépose dans le panier de Marie, puis il compte une douzaine d'œufs qu'il dépose soigneusement avec du foin dans le panier, et après, il prend sa grande cruche et verse avec une pinte, le lait dans le pot à lait de la soubrette.
Et voilà, ma belle, Madame est servie.
Marie :
- Madame me prie de vous dire qu'elle vous règlera la prochaine fois car elle est fort occupée avec ses invités.
Le berger :
- Bien sûr ! Bien sûr ! Comme Madame voudra. On ne refuse rien à une si bonne cliente qui me paie toujours avec des pièces d'argent à l'ancien coin, à l'effigie de Louis XVI.
Sainte-Beuve :
- Les gens de la province ne se rendent pas compte du bonheur qu'ils ont d'avoir une vie champêtre si merveilleuse avec ses avantages de produits frais. Nous, à Paris, nous ne trouvons tout cela que sur le marché des Halles ou chez certains commerçants. Cela manque de poésie et surtout de fraîcheur.
Pellegrin (Madame) :
- Oui, je comprends. Moi-même, j'apprécie beaucoup cette vie champêtre à Précy. Je pense en particulier à certaines scènes comme le soir quand au coucher du soleil, nos bergers rentrent au bercail avec leurs moutons et leurs agneaux bêlants à travers les rues de Précy. Ils sont bien huit cents, si ce n'est pas plus. Il y a trois bergers qui regroupent les brebis des uns et des autres et les mènent aux pâturages et le long des chemins vers Gouvieux, Boran ou Neuilly. C'est plein de rêve !